Contrairement à l’humain, un cétacé ne peut pas se permettre de “lâcher prise” en dormant. Il doit garder le contrôle de sa respiration à chaque instant, y compris durant ses phases de repos. Ce mécanisme est appelé respiration consciente.
Cela signifie qu’un dauphin ou une baleine doit choisir volontairement de remonter à la surface pour inspirer. S’il ne le fait pas, il se noie.
Pour y parvenir, l’évolution a produit un phénomène neurologique fascinant : le sommeil unihémisphérique.
Chez tous les cétacés, un seul hémisphère du cerveau dort à la fois, pendant que l’autre reste en activité. Le cerveau alterne les phases de repos entre ses deux hémisphères, de manière cyclique.
Ce mécanisme permet à l’animal de rester en alerte face aux dangers, de continuer à se déplacer lentement, et surtout de contrôler sa respiration.
Il n’y a donc jamais de perte complète de conscience, même pendant les périodes de repos les plus calmes.Dormir sans sombrer : le "logging" chez les baleines
Chez les baleines à bosse ou les baleines grises, on observe un comportement appelé logging. L’animal reste alors immobile à la surface, ou juste en dessous, souvent sur plusieurs minutes voire plusieurs heures. Il ressemble à un tronc d’arbre flottant, d’où le nom.
Ce comportement est compatible avec le sommeil unihémisphérique : un œil fermé, un hémisphère au repos, et l’autre aux aguets.
Il existe aussi une autre stratégie : le sommeil en nage lente. Dans ce cas, l’animal continue de se mouvoir, souvent en suivant un rythme régulier, mais avec une vigilance réduite.
Chez la baleine bleue, les stratégies varient. Ces animaux géants dorment en descendant doucement dans la colonne d’eau, une technique nommée plongée dérivante.
Ils laissent leur corps s’enfoncer lentement, pendant 10 à 20 minutes maximum, tout en maintenant un effort musculaire minimal.
Ce sommeil est bref et segmenté, toujours contrôlé, et dépend d’un équilibre fin entre la nécessité de respirer et celle de récupérer.
Les bélugas adoptent un sommeil en nage proche de la surface. Leur activité se réduit, leur rythme respiratoire ralentit, mais l’œil situé du côté de l’hémisphère actif reste ouvert.
On suppose que ce comportement leur permet de surveiller leur environnement tout en dormant partiellement.
Cette adaptation leur offre une forme de veille passive, semblable à une sentinelle qui ne dort jamais vraiment.
Le cas des cachalots est unique. Ce sont les seuls cétacés connus pour dormir à la verticale, suspendus dans la colonne d’eau, généralement la tête vers le haut.
Pendant ces phases de sommeil, ils ne bougent plus du tout. Leur corps reste immobile, droit comme un piquet, avec l’évent positionné à proximité immédiate de la surface.
Cette posture a une explication simple : chez le cachalot, l’évent est situé tout à l’avant de la tête. Dormir tête vers la surface permet de respirer en quelques secondes, sans avoir à modifier la posture générale du corps.
Les études ont montré que les cachalots dorment de manière très fragmentée. Chaque phase dure entre 10 et 15 minutes, répétée plusieurs fois dans la journée et la nuit.
Au total, ils consacreraient à peine 7 % de leur temps quotidien au sommeil. C’est l’un des taux les plus faibles enregistrés dans le règne animal.
Une hypothèse avancée est que leur cerveau a développé une extrême efficacité dans la récupération nerveuse, permettant de fonctionner normalement avec très peu de sommeil profond.
Il n’est pas rare de voir plusieurs cachalots dormir ensemble en formation verticale, tous parfaitement immobiles.