Listen

Description

http://polaroid41.com/jumeaux/

Lundi 14 septembre 2020 – 22h31.

_ « Bonjour ! Jean. Vous me voyez moi, vous voyez mon frère ! On est jumeaux. L’autre c’est François, vous verrez on se ressemble vraiment. C’est incroyable ».

Le deuxième artisan plâtrier arrive et effectivement, ils sont frères, aucun doute là-dessus.

_ «  Bonjour ! François. Je suis le frère de Jean.

_ Et oui je vois ça, il vient de me prévenir que son frère allait passer la porte et qu’il lui ressemblait beaucoup.

_ On est jumeaux. C’est pas beau ça. On était à l’école ensemble, on a fait l’armée ensemble, on s’est marié le même jour et maintenant on travaille ensemble. C’est pas beau ça ? Travailler avec son frère ? Si tout le monde s’entendait comme on s’entend nous… »

Je les trouve d’emblée sympathiques, les jumeaux.

Ils ont la cinquantaine passée, petits, trapus, les cheveux qui leurs restent sont gris et ils sont vraisemblablement myopes tous les deux vu l’épaisseur des verres de leurs lunettes. Seule différence notable, François arbore un bouc. Ils ont quelque chose de touchant dans leur application au travail, leur discrétion, et leur déférence envers le client : moi dans ce cas précis. Quelque chose m’émeut chez eux. Dans le milieu du bâtiment, l’artisan est souvent sur la défensive. Le client sera-t-il pénible, exigeant, pervers ? Va-t-il demander davantage que ce qui était convenu au départ ? Et là, non. Les deux frères se parlent à voix basse, définissent  la mise en place du chantier en me faisant des signes de tête à intervalles réguliers. Je leur propose un café qu’ils acceptent comme si je leur offrais leurs cadeaux de Noël avec deux mois d’avance. Bref, j’ai la sensation qu’on forme une belle équipe ; les jumeaux et moi.

Ils s’activent toute la journée, et le chantier touche à sa fin comme promis. François est dans l’action là où Jean se questionne et s’inquiète. « Attention François, fais gaffe au boisseau. Tu as bien pris la côte, hein ? » Mais bizarrement c’est également Jean qui rassure son frère et le félicite sur le travail accompli « C’est bien François. C’est joli, c’est joli. Ce matin, j’étais inquiet, mais c’est joli. C’est bien, continue François. Moi je vais m’occuper des joints ».



Je les observe de loin et définitivement j’ai de l’affection pour ces deux là. Jean s’apprête à découper sa dernière plaque de plâtre. Je m’approche de lui et remarque qu’il tire le trait d’une longueur de deux mètres quarante sans règle. Il met sa main en appui sur la tranche de la plaque, maintient son crayon de bois à la perpendiculaire et trace une ligne absolument parfaite.  Il saisit sa scie égoïne et là encore la découpe est impeccable.

« _ Mais c’est incroyable… Et vous faîtes ça comme ça, comme si de rien n’était, sans règle…

_  J’ai l’habitude vous savez, depuis le temps…

_ Mais quand même, le tracé et la découpe sont rapides et impeccables. On m’avait prévenu que vous étiez des artistes !

_ Vous savez… On se tutoie hein Marc ?

_ Oui oui bien sûr.

...

(polaroid et texte intégral disponibles à http://polaroid41.com/jumeaux/)