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http://polaroid41.com/le-monde-dapres/

Dimanche 30 août 2020 - 17h22.

Le monde d’après n’existe pas. C’est une invention pour nous rassurer devant l’étendue des dégâts. Une manière de mettre la responsabilité du désastre à l’extérieur de nous. Mais non, le seul monde tangible est celui dans lequel nous vivons. C’est de celui là dont il faut s’occuper. L’épidémie actuelle nous montre une chose, c’est que rien n’est établi, jamais. Tant que l’après n’a pas eu lieu, seul le présent est disponible. Voilà le genre de pensées qui défilent dans mon crâne ce matin. Il est huit heures, les cloches de l’église viennent de l’annoncer. Je suis au beau milieu de mon potager en train d’arroser les quelques légumes qui ont survécu à la canicule. Mon absence des deux dernières semaines n’a pas arrangé les choses. C’est pire que ce que je pensais. Les courges sont à l’agonie, un pied de courgette semble avoir trouvé un filon pour s’approvisionner en eau, il est bien vert et porte fièrement fleurs et légumes. Les poireaux sont littéralement cuits, les oignons ne se sont pas développés normalement, coincés dans une terre qui tient plus du béton que du sol nourricier. J’arpente lentement le potager dans ce silence du matin que j’aime tant, et je me fais la réflexion que mon jardin a peut-être pris les couleurs du monde actuel. Les feuilles des pieds de citrouilles craquent sous mes pieds. Bon, tout n’est pas perdu puisque dans un deuxième potager que je travaille, les légumes d’été se portent bien, mais ici, c’est un échec cuisant. Quiconque à déjà travaillé un morceau de terre ou s’est investi dans un potager sait qu’on doit bien souvent faire preuve d’humilité. L’an dernier à cette époque, sur la même parcelle, je récoltais trente cinq citrouilles de six à huit kilos chacune,  des potimarrons et des butternuts à ne plus savoir qu’en faire. Cette année les choses ont mal tourné c’est certain. Les plants étaient beaux, je m’étais moi-même occupé de faire les semis. Peut-être que ces légumes étaient voués à ne pas se développer, c’étaient des légumes tristes, des légumes du confinement… Me voilà assis contre le tronc d’un prunier à me demander à quel moment les choses ont mal tourné et pourquoi. La vigne se porte bien ainsi qu’un poirier et le prunier que j’ai au dessus de ma tête. Pas la peine de s’inquiéter pour les deux énormes figuiers, ils sont invincibles. Je suis dans un drôle d’état. Calme, serein, mais déçu par ce qui m’entoure. Mon petit paradis fait grise mine. Je reste assis là quelques minutes à écouter le silence en laissant mon regard aller d’un point à un autre. A un moment donné, par reflexe, plus que par véritable besoin, je fouille ma poche droite pour jeter un œil à mon portable. Peut-être me suis-je absenté du monde trop longtemps ? Quelqu’un a cherché à me joindre ? Rien, pas d’appel en absence, ouf… La rêverie étant terminée je décide de brancher mes écouteurs pour profiter d’un moment de radio, la matinale de France Culture. Je me lève et m’active à ranger le tuyau d’arrosage, la radio dans les oreilles. On y parle évidemment du monde d’après. Je me crispe. Je sens que ça ne va pas me plaire. Le type qui s’exprime est responsable d’une chaîne de grande distribution.....

(polaroid et texte intégral disponibles à http://polaroid41.com/le-monde-dapres/ )