Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 16, 5-11
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je m’en vais maintenant auprès de Celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande : “Où vas-tu ?” Mais, parce que je vous dis cela, la tristesse remplit votre cœur. Pourtant, je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai. Quand il viendra, il établira la culpabilité du monde en matière de péché, de justice et de jugement. En matière de péché, puisqu’on ne croit pas en moi. En matière de justice, puisque je m’en vais auprès du Père, et que vous ne me verrez plus. En matière de jugement, puisque déjà le prince de ce monde est jugé. »
« Où vas-tu ? »
Le Christ est venu dire ce que le monde ne pouvait pas dire. Il exprime la vérité que le monde ne pouvait pas penser par lui-même. La lumière divine qui traverse le monde, le Christ la révèle (Jn 1,5). Car, le monde abandonné à lui-même reste un orphelin muet sur son origine. Avec le Christ, brille dans notre monde une lumière qui vient d’ailleurs : l’inouïe profondeur du Père (Lc 8,16-18). Ce que nous appelons « monde » en le réduisant à la somme de nos intérêts… le Christ vient l’ouvrir ! Ce qui se referme sous nos mains voraces, le Christ l’élargit ! Le regard émerveillé du Père nous est accessible dans ce refrain qui ponctue le récit de la Création : « Et Dieu vit que cela était bon. » (Gn 1,10). À l’intérieur de notre vieux monde, se trouve un monde neuf comme un trésor qui enrichit le champ où il est caché (Mt 13,44). Notre corps révèle un « Temple de l’Esprit » (1 Co 6, 19-20). Nos mots sont Souffle et Parole, « puissance, action de l’Esprit Saint » (1 Th 1,5).
Déjà, il y a longtemps, le prophète Isaïe pressentait que l’essentiel du réel demeurait voilé : « Vraiment tu es un Dieu qui se cache » (Is 45,15). Dieu ne se cache pas pour être inaccessible, ni pour échapper aux hommes, mais, au contraire, pour que l’homme Le cherche. Dieu Se cache non pour Se retirer, mais pour qu’en nous, le désir trace une route vers le mystère. Dans le creuset de l’être, le Christ, à l’intime du coeur, nous apprend à discerner l’appel du Père (Jn 6,44). Notre quête n’est pas vaine : « cherchez et vous trouverez » (Mt 7,7). Le Christ attire la bien-aimée cachée dans le monde : « Ma colombe au creux d’un rocher, au plus caché d’une falaise, fais-moi voir ton visage, fais-moi entendre ta voix. » (Ct 2,14). D’autres fois, c’est le bien-aimé qui s’en va : « Où est allé ton chéri, ô la plus belle des femmes ? » (Ct 6,1). L’Incarnation s’inscrit dans ce jeu du caché et du dévoilement. Quand Dieu S’est révélé à visage découvert et dans le plein jour d’une existence vécue à Nazareth, on peut dire qu’Il s’est caché dans le geste même de Sa révélation. Il s’est montré dans un lieu qui n’avait rien de fameux (Jn 1,46). Beaucoup ne pouvaient croire que le Messie fût le fils du charpentier (Mt 13,55). La venue dans la chair montre Dieu et Le dissimule. L’Incarnation est un voile : « il s’est encore plus caché en se couvrant de l’humanité. » (1)
Dans la vie de notre âme, la venue de l’Emmanuel, ce Dieu qui se fait proche, alterne avec un « Je m’en vais » que nous entendons aujourd’hui dans l'évangile. « La présence permanente de Jésus auprès de nous se réalise à travers des retraits et des absences successifs. Il est venu dans le monde pour quelques années, puis il disparaît. « Je quitte le monde et je vais au Père » (Jn 16,28). » (2) À travers la déchirure des adieux, ce « Je m’en vais » suscite la joie du disciple qui aime son maître