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Description

Je n'emporte avec moi sur la mer sans retourQu'une rose cueillie à notre long amour.J'ai tout quitté; mon pas laisse encore sur la grèveEmpreinte au sable insoucieux sa trace brèveEt la mer en montant aura vite effacéCe vestige incertain qu'y laissa mon passé.Partons! que l'âpre vent en mes voiles tenduesSouffle et m'entraîne loin de la terre perdueLà-bas. Qu'un autre pleure en fuite à l'horizonLa tuile rouge encore au toit de sa maison,Là-bas, diminuée et déjà si lointaine!Qu'il regrette le clos, le champ et la fontaine!Moi je ferme la porte et je ne pleure pas.Et puissent, si les dieux me mènent au trépas,Les flots m'ensevelir en la tombe que creuseAu voyageur la mer perfide et dangereuse!Car je mourrai debout comme tu m'auras vu,Sur la proue, au départ, heureux et gai pourvuQue la rose à jamais de mon amour vivantEmbaume la tempête et parfume le vent. Henri de Régnier, Le départ