Ă la fin du XVIIIá” siĂšcle, les quatre grands royaumes dâHawaiÊ»i: HawaiÊ»i, Maui, OÊ»ahu et KauaÊ»i, sont dĂ©chirĂ©s par la guerre. KaÊ»iana, un chef guerrier (aliÊ»i) de KauaÊ»i, revient dâun long voyage et se lance dans une mission monumentale pour dĂ©fendre et unir son peuple, tandis quâune sombre menace se rapproche.InspirĂ©e de faits rĂ©els, la sĂ©rie retrace lâun des tournants les plus dĂ©cisifs de lâhistoire hawaĂŻenne.Plus quâune stricte reconstitution historique, Chief of War revendique un point de vue indigĂšne, Ă©motionnel et humain.
đŹ Fiche technique
Mini-sĂ©rie en 9Ă50 min, Chief of War est disponible sur Apple TV+ depuis le 1á”Êł aoĂ»t 2025, avec un nouvel Ă©pisode chaque vendredi jusquâau 19 septembre.
* Production : La sĂ©rie est produite par Fifth Season (Severance, Killing Eve) et Chernin Entertainment (See, New Girl), avec la forte implication de Jason Momoa et Thomas Paâa Sibbett.
* ScĂ©nario : Jason Momoa et Thomas Paâa Sibbett (scĂ©naristes de Braven et The Last Manhunt), aux cĂŽtĂ©s du Showrunner Doug Jung (Star Trek Beyond).
* RĂ©alisation : Justin Chon (Blue Bayou, Gook), Anders Engström (See, Hanna), Brian Andrew Mendoza (Sweet Girl), et Jason Momoa lui-mĂȘme pour le final.
đ Avec : Jason Momoa (Aquaman, Game of Thrones), Luciane Buchanan (The Night Agent), Temuera Morrison (Star Wars, The Mandalorian), Cliff Curtis (Fear the Walking Dead, Avatar: The Way of Water), James Udom (Othello Ă Broadway, Judas and the Black Messiah).
đ Tournage : HawaĂŻ et Nouvelle-ZĂ©lande, avec la reconstruction de dĂ©cors historiques et de waÊ»a (pirogues guerriĂšres).đŻ Genre : Fresque historique et dramatique.đ¶ Bande-son : ComposĂ©e par Hans Zimmer et James Everingham, en collaboration avec des artistes hawaĂŻens.
Depuis sa sortie, la sĂ©rie a reçu un accueil critique enthousiaste (plus de 90 % de critiques positives sur Rotten Tomatoes), saluant son authenticitĂ©, sa force esthĂ©tique et la raretĂ© dâun rĂ©cit centrĂ© sur le point de vue autochtone hawaĂŻen.
Selon le New Zealand Herald, la sĂ©rie dispose dâun mĂ©ga-budget de 340 millions de dollars US ! Ce qui revient Ă un coĂ»t moyen dâenviron 37,8 millions de dollars par Ă©pisode. Cela en fait de loin lâune des sĂ©ries les plus chĂšres produites par Apple TV+. Dans le classement on a une autre sĂ©rie avec Jason Momoa, See, dont le budget atteignait 360 millions de dollars.
đ Analyse
Une cible internationale et un pari risqué
La sĂ©rie est ancrĂ©e Ă HawaĂŻ, tournĂ©e en langue hawaĂŻenne. ForcĂ©ment, ça va parler Ă une partie du public amĂ©ricain puisque HawaĂŻ est lâun de leurs Ătats. Mais Ă lâinternational, le pari est plus risquĂ© : câest un peu comme si, en France, on lançait une sĂ©rie historique en crĂ©ole sur la Guadeloupe. Culturellement passionnant, mais pas sĂ»r que ça sĂ©duise immĂ©diatement un public global. Lâatout majeur, câest Jason Momoa : sa notoriĂ©tĂ© (Game of Thrones, Aquaman, SeeâŠ) attire forcĂ©ment la curiositĂ©. Et la promotion insiste sur lâaspect Ă©pique, avec des clans et des batailles. Comme la sĂ©rie sâinspire dâĂ©vĂ©nements historiques, elle peut aussi sĂ©duire celles et ceux qui aiment dĂ©couvrir des pans mĂ©connus de lâhistoire mondiale.
Entre Game of Thrones et Vikings, mais moins efficace
On a souvent envie de comparer Chief of War Ă Game of Thrones ou Vikings. CĂŽtĂ© budget, richesse des intrigues et puissance dramatique, Game of Thrones reste largement au-dessus. Avec Vikings, la comparaison est plus pertinente : hĂ©ritage culturel, batailles, lutte pour lâunification dâun territoire. Mais lĂ oĂč Vikings assumait pleinement son cĂŽtĂ© soap Ă©pique, Chief of War veut conjuguer spectaculaire et fidĂ©litĂ© culturelle, ce qui alourdit un peu lâensemble.
Un manque de rythme
Le dĂ©but est assez lent. LâĂ©pisode 1 installe une ambiance et de superbes paysages, mais reste lĂ©ger en action. On a presque lâimpression que lâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur (â ïž SPOILER : lâarrivĂ©e des colons et le dĂ©part forcĂ© de Momoa avec eux, qui nâarrive quâĂ lâĂ©pisode 2 â ïžFIN DU SPOILER) aurait gagnĂ© Ă fusionner les Ă©pisodes 1 et 2. Ce choix de « pilote en deux parties » est assez courant chez Apple TV+ (Silo avait fait pareil), mais câest risquĂ© : les spectateurs qui ne regardent que le premier Ă©pisode peuvent dĂ©crocher.
Beaucoup de personnages et de clans Ă distinguer
La distribution est riche: chefs, conseillers, familles royales, guerriers, navigateurs⊠mais la sĂ©rie ne prend pas toujours le temps de diffĂ©rencier clairement chaque clan. Contrairement Ă Game of Thrones, oĂč chaque maison avait une identitĂ© forte, ici on se perd facilement. On a quatre Ăźles diffĂ©rentes et vraiment beaucoup de personnages introduits dâun coup. Leurs noms sont difficiles Ă mĂ©moriser, ils sont souvent habillĂ©s (ou plutĂŽt dĂ©vĂȘtus) de façon similaire. On aurait pu imaginer un signe distinctif plus lisible, une couleur, un tatouage, un emblĂšme⊠Finalement, le seul clan que jâarrive Ă identifier clairement, câest celui des femmes en jaune. Certes, ça aurait pu dĂ©naturer le rĂ©alisme, mais il faut quand mĂȘme que le spectateur puisse suivre.
Une réussite visuelle et culturelle
LĂ -dessus, la sĂ©rie est une vraie rĂ©ussite. Chief of War est visuellement grandiose et ancrĂ© dans la rĂ©alitĂ© historique. Elle combine batailles, luttes de pouvoir, culture et identitĂ©. Les paysages sont magnifiques, les rituels (comme le salut nez Ă nez) et les costumes renforcent lâimmersion. La prĂ©sence de conseillers culturels dans chaque dĂ©partement a Ă©tĂ© saluĂ©e par des universitaires hawaiiens, qui considĂšrent la sĂ©rie comme une reprĂ©sentation rare et respectueuse de leur histoire.
Des personnages féminins encore en retrait
Pour lâinstant, les personnages fĂ©minins sont peu dĂ©veloppĂ©s, surtout dans le premier Ă©pisode. Ăa progresse ensuite, mais ça reste assez lĂ©ger. En revanche, on a de belles images de femmes fortes, qui se battent aux cĂŽtĂ©s des hommes et revendiquent une forme de libertĂ©. Le patriarcat est toujours lĂ , reprĂ©sentatif de lâĂ©poque, mais on commence Ă voir des thĂ©matiques intĂ©ressantes autour du fĂ©minisme et de la religion se dessiner.
Réel ou fiction ?
On se demande Ă©videmment ce qui est rĂ©el et ce qui a Ă©tĂ© transformĂ© pour la fiction : la place des femmes dans les clans, mais aussi celle des hommes de couleur sur les navires. Je pense ici Ă KaÊ»iana (jouĂ© par Jason Momoa), figure autochtone hawaĂŻenne, et Ă Tony (incarnĂ© par James Udom), un marin noir. Dans la sĂ©rie, on les voit voyager aux cĂŽtĂ©s dâhommes blancs, et ils semblent traitĂ©s de maniĂšre Ă©quivalente. Pourtant, dans dâautres fictions et mĂȘme dans certains rĂ©cits historiques, il semblerait quâils soient plutĂŽt relĂ©guĂ©s au rang dâesclaves ou de subalternes. En regardant, je me suis donc demandĂ© si cette reprĂ©sentation relevait de la rĂ©alitĂ© historique ou si elle avait Ă©tĂ© pensĂ©e pour rĂ©pondre Ă des enjeux contemporains de diversitĂ© et de reprĂ©sentativitĂ©, un peu comme dans Bridgerton, qui assume un traitement trĂšs fictionnel de la monarchie. En cherchant, jâai dĂ©couvert que câĂ©tait bel et bien fidĂšle Ă lâhistoire : KaÊ»iana a rĂ©ellement voyagĂ© hors dâHawaĂŻ et naviguĂ© avec des Ă©quipages occidentaux. Et ça rend dâautant plus intĂ©ressant de voir la sĂ©rie mettre en avant cette rĂ©alitĂ© mĂ©connue. Tony, en revanche, semble ĂȘtre un personnage fictif, créé pour la sĂ©rie. Mais ce nâest pas absurde historiquement puisquâĂ la fin du XVIIIá” siĂšcle, on trouve bien des marins noirs, libres, engagĂ©s dans des Ă©quipages marchands ou militaires occidentaux (notamment britanniques et amĂ©ricains). Certains Ă©taient trĂšs respectĂ©s, dâautres subissaient du racisme et restaient cantonnĂ©s Ă des postes subalternes. La sĂ©rie prend donc une libertĂ© en crĂ©ant Tony, mais elle le fait dans un cadre qui nâest pas anachronique. Contrairement Ă Bridgerton, ici on reste crĂ©dible vis-Ă -vis du contexte maritime de lâĂ©poque.
Un récit dramatique fragile
Certains Ă©lĂ©ments paraissent prĂ©visibles, comme (â ïž SPOILER : la prophĂ©tie de lâoracle annonçant que KaÊ»ahumanu ne pourra pas avoir dâenfant, qui semble un peu tĂ©lĂ©phonĂ©e . Jâai le pressentiment quâelle finira par en avoir un⊠à voir. â ïž FIN DU SPOILER).Par ailleurs, la sĂ©rie comporte de grosses ellipses qui peuvent parfois frustrer mais elle condense plusieurs dĂ©cennies (alliances, guerres, arrivĂ©e des EuropĂ©ens) en seulement neuf Ă©pisodes, ce qui explique certaines accĂ©lĂ©rations ou manques de clartĂ©.
Un thématique intéressante
Pour le moment, le thĂšme qui apparaĂźt dans la sĂ©rie semble ĂȘtre la lutte entre lâidentitĂ© collective et les forces de lâunification. Faut-il sâeffacer en tant qu'ĂȘtre humain, que clan, qu'Ăźle pour construire une nation commune; ou prĂ©server son autonomie, son Ăźle, sa libertĂ© individuelle au risque de rester divisĂ© et vulnĂ©rable face aux menaces extĂ©rieures ? HĂąte de voir comment la sĂ©rie traite la question sur les Ă©pisodes suivants.
Conclusion
Chief of War est une fresque ambitieuse, visuellement splendide et culturellement prĂ©cieuse. Câest une sĂ©rie importante pour la reprĂ©sentation hawaĂŻenne, respectueuse de ses traditions et de son histoire, avec un vrai souffle Ă©pique. Mais sur le plan dramatique, le rythme contemplatif, la multiplication des personnages et certaines ellipses risquent de frustrer ceux qui sâattendent Ă une saga aussi haletante que Game of Thrones ou Vikings.
Regardez Chief of War si :
* Vous aimez les grandes fresques historiques et les séries qui prennent le temps de poser une atmosphÚre.
* Vous ĂȘtes curieux de dĂ©couvrir un pan mĂ©connu de lâhistoire mondiale et surtout des Ăźles HawaĂŻenne, racontĂ© du point de vue des peuples autochtones.
* Vous apprĂ©ciez Jason Momoa, dans ce qui est probablement lâun des rĂŽles les plus personnels de sa carriĂšre, et si vous aimez son physique⊠la sĂ©rie ne se prive pas de mettre en valeur son fessier nu et musclĂ©.
En revanche, si vous cherchez avant tout un rĂ©cit resserrĂ©, rythmĂ©, avec des personnages immĂ©diatement identifiables, vous pourriez ĂȘtre un peu déçu.