Synopsis
đŹ Fiche technique
Des Vivants : mini-série de 8 épisodes de 50min à 1h20.
Diffusion : en avant-premiÚre, en intégralité, sur France.TV,le 27 octobre 2025 et sur France 2 dÚs le 3 novembre 2025.
* Production : Matthieu Belghiti pour Whatâs Up Films, Nicolas Mauvernay pour Mizar Films et JĂ©rĂŽme Corcos pour Nac Films.
* CrĂ©ation & ScĂ©narios : Jean-Xavier de Lestrade (Sambre, LaĂ«titia, Soupçons (The StaircaseâŠ) et Antoine Lacomblez (LaĂ«titia, Jeux dâinfluenceâŠ)
* Réalisation : Jean-Xavier de Lestrade
đ Avec :Benjamin Lavernhe de la ComĂ©die-Française (Arnaud), Alix Poisson (Marie), Antoine Reinartz (GrĂ©gory), FĂ©lix Moati (SĂ©bastien), Anne Steffens (Caroline), Thomas Goldberg (David), CĂ©dric Eeckhout (StĂ©phane), Megan Northam, Aude Ruyter, Sophie Cattani, FoĂ«d Amara.Et avec , StĂ©phanie Palies, Mathias Jacquin, Denis Eyriey, Sylvain Debry, Genc Jakupi, Caroline Arrouas, Giovanni Ortega, Marie-JosĂ©e Gonzales, Sam Karmann, Aliocha Reinert, Anette Lowcay, Jean-Paul Comart, GaĂ©tan Peau, Nicolas Wanczycki et aussi Julie Sicard de la ComĂ©die-Française, Sharif Andoura, Catherine Vinatier, Sarah Le Picard, François Perache
đ Tournage : 2024, Paris et ses alentours (Bataclan, au PanthĂ©on, au Palais de Justice).
đ Accueil & Audience : Le premier Ă©pisode a rassemblĂ© 1,946 million de tĂ©lĂ©spectateurs, soit 9,8 % de part de marchĂ© sur lâensemble du public (Ozap). Un chiffre dĂ©cevant mais aussi un peu prĂ©visible.
đ Analyse
Oeuvre de fiction ou documentaire ?
DĂšs sa diffusion, une confusion Ă©merge, sâagit-il dâune fiction ou dâun documentaire.
* France Télévisions parle de mini-série, mais recommande des documentaires en complément pour cette programmation spéciale.
* Jean-Xavier de Lestrade est avant tout reconnu pour son travail documentaire (Oscar du meilleur documentaire en 2002), avant dâĂ©tendre progressivement sa dĂ©marche rĂ©aliste Ă la fiction avec 3 x Manon, Jeux dâinfluence ou encore SambreâŠ
* Des Vivants adopte : une chronologie linĂ©aire, aucun moteur narratif classique, une distance Ă©motionnelle forte dans les premiers Ă©pisodes, des personnages directement inspirĂ©s des survivants, construits au plus prĂšs des rĂ©cits recueillis = sans distanciation avec le rĂ©el, laissant peu dâespace Ă la construction fictionnelle et Ă la dramaturgie, un rĂ©cit sans enquĂȘte, sans suspense, sans cliffhangers, juste lâexpĂ©rience, telle quâelle a Ă©tĂ© vĂ©cue.
On a donc, sur les Ă©pisodes 1 Ă 3, lâimpression de regarder un documentaire, mais interprĂ©tĂ© par des comĂ©diens. Est-ce suffisant pour qualifier lâoeuvre de fictionâŠ?
« Dans vingt ans, si quelquâun a envie de savoir ce quâil sâest passĂ©, il ou elle pourra regarder la sĂ©rie et ĂȘtre au plus prĂšs de la rĂ©alitĂ© et aussi de lâintimitĂ© des victimes » â Jean-Xavier de Lestrade (Source : CNC)
« Il faut que la fiction sâempare de cette histoire » â Jean-Xavier de Lestrade (Source : 20minutes)
On a appelĂ© Des Vivants une mini-sĂ©rie, mais en rĂ©alitĂ©, ce nâen est pas une au sens dramaturgique. Une mini-sĂ©rie repose sur un moteur dâintrigue : elle pose un conflit ou une Ă©nigme dans le pilote, et elle le rĂ©sout au dernier Ă©pisode, câest un film en 6 Ă 8 Ă©pisodes. Des Vivants, au contraire, ne cherche pas Ă rĂ©soudre quelque chose. Elle cherche Ă faire Ă©prouver un Ă©vĂ©nement, Ă montrer comment il continue Ă rĂ©sonner chez les survivants. DâoĂč sa forme quasi-documentaire. Ce nâest donc pas une mini-sĂ©rie plot-driven, mais une fiction qui sert surtout de vĂ©hicule Ă une intention documentaire.
Pourquoi avoir choisi dâen faire une fiction plutĂŽt quâun documentaire ?
Plusieurs raisons possibles :
* Les survivants ne souhaitaient pas rĂ©apparaĂźtre Ă lâĂ©cran.
* Rejouer ou raconter Ă nouveau aurait pu ĂȘtre re-traumatisant.
* Un documentaire pourrait avoir été jugé trop frontal par le diffuseur.
* La fiction crée une distance de protection, pour les témoins comme pour le spectateur.
Les producteurs le disent eux-mĂȘmes :
« Il ne fallait pas bricoler une dramaturgie artificielle. La vie invente dĂ©jĂ des choses folles. Nous ne voulions surtout pas ĂȘtre dans la mise en scĂšne de la douleur humaine. » â Matthieu Belghiti(Source : CNC)
« Je ne voulais pas quâil pense que je venais exploiter sa vie, ce drame et la souffrance qui sâensuit.»â JĂ©rĂŽme Corcos(Source : FranceTVPro)
Pourquoi ne pas avoir choisi dâen faire un film ?
«Comme une Ă©vidence, jâimaginais dĂ©jĂ une sĂ©rie construite sur trois axes « avant, pendant, aprĂšs ». « Ă partir du moment oĂč ils Ă©taient sept, il fallait une sĂ©rie. Faire un film aurait Ă©tĂ© rĂ©ducteur. » â JĂ©rĂŽme Corcos(Producteur)(Source : 20minutes).
Il est comprĂ©hensible de vouloir raconter le vĂ©cu des sept otages en dĂ©tail. Mais est-ce une raison suffisante pour en faire une sĂ©rie ? Pas au sens dramaturgique : ici, lâenjeu nâest pas de construire un arc, mais de restituer une expĂ©rience.
đ§ Si vous voulez savoir ce qui aurait pu transformer cette histoire en vĂ©ritable sĂ©rie de fiction, je dĂ©veloppe ce point dans la version audio du podcast.
Une distance émotionnelle dans les premiers épisodes
Ce qui mâa frappĂ©e en regardant Des Vivants, câest la distance Ă©motionnelle des premiers Ă©pisodes. Sur les Ă©pisodes 1 Ă 3, on reste en position de spectateur extĂ©rieur : on nous montre les faits, le quotidien, lâaprĂšs, mais sans accĂ©der Ă ce que les personnages ressentent. Ainsi, difficile de sâattacher, dâĂ©prouver de lâempathie, et on a mĂȘme parfois une sensation de voyeurisme, comme si lâon regardait quelque chose sans y ĂȘtre invitĂ© Ă©motionnellement. Ce nâest quâĂ partir des Ă©pisodes 3-4, quand les Ă©motions se formulent enfin, que lâon commence Ă entrer dans leur intĂ©rioritĂ© et que la sĂ©rie devient plus incarnĂ©e. Alors peut-ĂȘtre que cette distance est volontaire, liĂ©e Ă la dissociation traumatique des survivants. Mais pour continuer Ă regarder une sĂ©rie, il faut pouvoir sâidentifier, or ici, la question se pose : qui a envie de sâidentifier Ă ces personnages, et dans quel but ?Et câest ce qui nous amĂšne Ă lâenjeu de la sĂ©rie et Ă son public cible.
Ă qui sâadresse cette Ćuvre ?
Qui a envie de se mettre Ă leur place ? De revivre ce traumatisme, cette peur, cette pĂ©riode anxiogĂšne ? Personnellement, en lançant la sĂ©rie, je nâavais aucune envie de retourner dans cet Ă©tat. On a plutĂŽt envie dâoublier.
Mais Des Vivants nâest pas une sĂ©rie de divertissement. Ce nâest pas une sĂ©rie quâon met « parce quâon a envie de regarder quelque chose ce soir ». Câest une Ćuvre de transmission, commĂ©morative, pensĂ©e pour les survivants et ceux qui les accompagnent. Lâobjectif est de faire comprendre ce quâils ont vĂ©cu : ils ont besoin de se sentir compris, pas pour quâon leur dise que tout ira bien, juste pour ĂȘtre entendus.
Câest une sĂ©rie que lâon regarde par solidaritĂ©, pas par envie. Et si on ne le dit pas clairement, on passe Ă cĂŽtĂ©. Câest, je pense, ce qui explique la dĂ©ception dâaudience.
Ce qui fonctionne
* Une montĂ©e en puissance notable Ă partir de lâĂ©pisode 4 : lâĂ©motion devient plus incarnĂ©e, les trajectoires sâouvrent, et lâon commence Ă vivre avec les personnages. On le voit aussi dans lâĂ©volution des titres dâĂ©pisodes, qui passent dâintitulĂ©s factuels Ă des titres plus intimes.
* La rĂ©alisation, prĂ©cise, pudique, qui cherche la justesse plutĂŽt que lâeffet.
* Le jeu des comédiens, naturel, tout en retenue, sans surinterprétation.
* La musique, omniprésente, qui crée un lien émotionnel et accompagne le vécu collectif.
Conclusion
Des Vivants nâest pas une sĂ©rie de fiction classique. Câest une forme hybride, entre documentaire et fiction, qui met du temps Ă trouver son incarnation Ă©motionnelle, mais qui gagne en profondeur dĂšs le midpoint de la sĂ©rie.
Câest une Ćuvre de mĂ©moire : elle montre lâampleur du traumatisme et la façon dont on apprend, non pas Ă oublier, mais Ă continuer Ă vivre avec.
Et regarder cette sĂ©rie jusquâau bout relĂšve, selon moi, dâun devoir citoyen.