⚠️ Je vous spoile dans l’audio et dans l’article. ⚠️
Pitch
Contexte
Le film est produit pour Netflix, avec la participation de TF1.Les sociétés de production comprennent Zazi Films, Federation Studio France et Korokoro Productions.
French Lover est co-écrit par : Noémie Saglio (Plan Cœur, Connasse, princesse des cœurs), Nina Rives (DNA, Pattaya, Tout ce qui brille), également réalisatrice du film, Hugo Gélin (Mon inconnue, Demain tout commence).
Au casting on a : Omar Sy dans le rôle d’Abel, Sara Giraudeau (Le Bureau des Légendes, Tout va bien…) dans le rôle de Marion, Pascale Arbillot en agente d’Abel. Avec aussi Amaury de Crayencourt, Agnès Hurstel, Alban Ivanov et Xavier Lacaille.
Le film s’inspire de la série israélienne Ish Hashuv Me’od, adaptée pour le public français.French Lover a atteint les premières places du Top 10 mondial Netflix, signe d’un démarrage fort et d’une visibilité internationale. Cependant, selon Netflix & Chiffres, les heures vues révèlent une rétention plus faible.
Les points positifs
Les dialogues sont bien écrits, avec quelques punchlines et de vrais moments de comédie : la scène du cheval, l’hôpital, ou encore la fuite d’eau qui transforme Abel en homme un peu ridicule.Le duo Omar Sy / Sara Giraudeau fonctionne, et leur “honeymoon phase” est plutôt réussie.
Sara Giraudeau apporte une vraie douceur mêlée de caractère, tandis que Pascale Arbillot est excellente dans le rôle de l’agente : son discours sur la “peur du vide” est l’un des rares passages profond du film.Les personnages féminins ne sont pas présentés comme des rivales. Et les seconds rôles (Agnès Hurstel, Xavier Lacaille, Alban Ivanov) ajoutent de la légèreté.
La bande-son est soignée, cohérente avec le ton du film, et la réalisation est classique mais efficace.
Les points plus problématiques
Une comédie romantique qui ne fait rêver personne
La majorité des rom-coms sont pensées pour un public féminin. Ici, le protagoniste est masculin mais paradoxalement, French Lover ne parle ni vraiment aux hommes, ni vraiment aux femmes.
Abel, interprété par Omar Sy, est une star célèbre, charismatique, adulée… difficile de s’y identifier pour un spectateur masculin. Quant aux spectatrices, elles découvrent un personnage colérique, menteur, un peu égoïste, qui ne subit jamais les conséquences de ses actes.Le film peine donc à créer de l’empathie.
Marion, elle, reste secondaire. Son existence gravite autour de lui : elle le soutient, l’attend, le console. Et quand on découvre enfin son rêve à elle (ouvrir un foodtruck), il arrive à plus d’une heure de film, et semble daté : encore une femme dont le “grand projet” consiste à nourrir les autres…
Même la dynamique de pouvoir inversé (la star masculine face à une femme “normale”) ne fonctionne pas : au lieu d’avoir un renversement, on reste dans un rapport utilitaire. Il brille, elle l’apaise.
🎧 Retrouvez une comparaison avec les films L’Arnacoeur, Notting Hill et Hitch dans le podcast audio.
Consentement & rapport de force
La scène du premier baiser est malaisante : il l’embrasse sans prévenir, puis lui demande “tu consens pas ou quoi ?!”, et elle répond “bah si”. CRINGE !Le consentement, c’est avant l’action, pas après.Et la mise en scène rend le rapport de force évident : lui est chez elle, imposant physiquement et socialement.Le film enchaîne assez rapidement : ils couchent ensemble à 55 minutes. Comme si tout devait aller vite, sans laisser le temps à la tension amoureuse de se construire.
Dans l’écriture…
Pas de pay-in/pay-off : Dommage qu’il n’y en ait aucun. Par exemple, la coïncidence entre la soirée d’ouverture du foodtruck et la cérémonie des Césars n’est pas préparée. Il aurait suffi que Marion mentionne plus tôt une date symbolique pour rendre ce choix crédible émotionnellement.
Peu d’enjeux réels : au climax, Abel doit “choisir” entre l’amour et la gloire. Mais il obtient les deux. Il ne perd rien, donc la scène n’a pas de poids dramatique.
Timeline floue : impossible de savoir depuis combien de temps ils se connaissent ou vivent ensemble, ce qui rend leur lien moins crédible.
Thèmes
Le film aborde plusieurs thématiques intéressantes mais dispersées :
La quête de reconnaissance : Abel n’existe qu’à travers le regard des autres.
Le contrôle et la peur du vide : illustrée par son agente, qui refuse de s’arrêter de peur d’affronter le néant.
L’amour comme miroir narcissique : Abel aime l’image que Marion lui renvoie, plus qu’il n’aime Marion elle-même.
Le thème central pourrait être :
“L’incapacité à se construire autrement que dans le regard des autres.”Mais comme le film s’éparpille, le propos se dilue.
Les personnages
Abel (Omar Sy)Un homme charismatique mais creux, qui passe de femmes en femmes sans jamais se remettre en question. Il veut briller, plaire, être admiré.Son arc est circulaire : il commence et finit au même point, sans transformation selon moi. Même lorsqu’il choisit “l’amour”, c’est sans sacrifice réel.
Marion (Sara Giraudeau)C’est la femme “simple” qui fait sentir au héros qu’il est quelqu’un de bien.Elle est douce, forte, drôle, mais piégée dans une écriture datée : dépendante émotionnellement et matériellement, elle soutient les hommes au lieu d’exister pour elle-même. Et même lorsqu’elle réussit à la fin (avec son foodtruck), sa réussite semble liée à son divorce… pas à son indépendance réelle.
Structure et dramaturgie
Le meet-cute : il la prend pour une paparazzi et lui crie dessus. Difficile d’accrocher émotionnellement.
Le “All Is Lost” : Marion lui organise une surprise (un séjour dans les Vosges), mais lui doit aller à la fête de fin de tournage, elle n’est pas contente (à raison ! ) mais la scène est floue et ne donne raison à aucun des deux personnages, c’est bien dommage.
Le climax : un faux choix entre gloire et amour, sans conséquence.
Le dénouement : Abel n’a rien appris, Marion reste dans l’ombre, et tout rentre dans l’ordre.
Conclusion
French Lover partait d’une idée séduisante : inverser le schéma de Notting Hill pour en faire une romance contemporaine sur la célébrité.Mais entre rapport de force bancal et thématiques effleurées, le résultat manque de modernité et de sincérité.
Et pourtant, sur le moment, on se laisse prendre : c’est joli, bien joué, plutôt plaisant à regarder.Mais plus on y pense, plus on réalise à quel point le fond reste conservateur :
Une belle histoire d’amour bien emballée, qui reprend les codes du romantisme moderne pour faire passer en douceur une vision très datée des rapports hommes-femmes, où la femme reste douce, patiente et compréhensive, et où l’homme, malgré tout, finit toujours par obtenir ce qu’il veut.
Et vous qu’en avez-vous pensé ?
A regarder ICI.
Ps: pour les hommes que mes propos pourraient froisser, ceci n’est pas une attaque contre les hommes, mais contre les récits qui oublient de donner autant de profondeur aux femmes.