⚠️ Cet épisode contient de gros spoiler !
🎬 Fiche technique
Néro est une série Netflix d’aventure historico-fantastique, d’environ 8x45min, sortie le 8 octobre 2025.
Synopsis: 1504, Sud de la France. Traqué par ses ennemis, un assassin doit retrouver sa fille qu’il avait abandonnée. Ensemble, ils vont devoir traverser des terres hostiles, affronter des ennemis et des forces obscures, et Néro devra faire un choix. Il va devoir choisir entre sauver sa peau ou celle de sa fille… et du reste du monde.
* Production : La série est produite par Karé Productions en coproduction avec Bonne Nouvelle productions.
* Créateurs et scénaristes : Jean‑Patrick Benes (Le sens de la famille, Kaboul Kitchen), Martin Douaire (OVNI, Le sens de la famille, Fais pas-ci fais pas ça) , Allan Mauduit ((Le sens de la famille, Kaboul Kitchen, Rebelles), et Nicolas Digard (livres de jeunesse, dessins-animées, long-métrages et séries en développement), avec la participation de Raphaëlle Richet (Les Sentinelles, OVNI, Jusqu’ici tout va bien).
* Réalisation : Allan Mauduit pour les épisodes 1-4, puis Ludovic Colbeau‑Justin pour les épisodes 5-8.
🎠Avec : Pio Marmaï incarne le rôle principal de Néro, un assassin cynique. Alice Isaaz joue le rôle de la princesse Hortense. Olivier Gourmet dans le rôle du moine Horace. Mais aussi : Lili-Rose Carlier Taboury (la fille de Néro), Louis‑Do de Lencquesaing (Rochemort, le père de la princesse), Camille Razat (la borgne), Yann Gaël (chevalier qui rejoint la bande de Néro), et bien d’autres.
📍Tournage : au printemps-été 2024, dans le sud de la France et aussi en Italie et en Espagne.
IP : Les créateurs ont initialement envisagé d’adapter le roman Gagner la guerre de Jean‑Philippe Jaworski, mais ont finalement décidé de s’en éloigner pour développer une histoire originale.
Audiences : Néro est bien été classée dans les Top 10 Netflix dans plusieurs territoires (ce qui indique un certain succès de visibilité) mais on n’a pas encore d’information spécifique sur les audiences.
🔎 Analyse
Ce qui fonctionne
* Promesse d’anti-héros efficace : Promesse d’anti-héros efficace : prologue percutant, humour noir, ton irrévérencieux, voix off maîtrisée.v
* Univers visuel fort : beaux décors et costumes, DA lisible et crédible.
* Pio MarmaĂŻ : parfait pour le rĂ´le, charismatique.
* Ambition de genre, rare en France : aventure + historique + western + fantastique.
* Métaphores visuelles fortes : La cicatrice, trace de faute et de transformation. La sécheresse, symbole d’un monde moralement aride.
* L’arc du Moine Horace, un arc fort : Le moine vit une vraie transformation spirituelle. Il découvre les mensonges de l’Église et perd sa croyance, mais gagne la lucidité. Là où Néro agit sans comprendre, Horace comprend et retourne sa veste contre l’église.
* Une série étonnamment anticléricale assumée : La sorcière, devenue une figure du bien, affirme : “Le diable n’existe pas, c’est une invention de l’Église.” Étonnamment, Netflix valide ce discours sans détour, rare audace idéologique pour une plateforme américaine. Ici, la foi tue, la magie sauve. Il n’y a aucun contre-point à ce propos, on a donc une critique frontale du religieux.
Ce qui fonctionne moins
* La thématique comporte trop d’axes à la fois : Rédemption individuelle (Néro), fanatisme religieux et manipulation du sacré, disparition de la magie / écologie, filiation et cycle de la faute. Aucun n’est hiérarchisé donc le fond se dilue.
Mon interprétation de la thématique : “Ce n’est pas le mal qui détruit le monde, c’est la peur du mal.” car on retrouve cela dans → L’Église crée le Diable pour contrôler, les hommes tuent leurs enfants par peur du démon, Néro ment par peur de perdre, Perla se sacrifie puis la peur cesse, la pluie revient.
* Manque de moteur sériel :
Les rebondissements s’accumulent sans dilemme interne récurrent, d’où l’impression de regarder un long film sous forme de quête, plus qu’une série.
* Problème de point de vue :
* On vit tout à travers Néro → bon pour l’action, moins pour la morale car impossible pour le spectateur de prendre du recul. Agirions-nous différemment de Néro dans ses circonstances ? (Sacrifieriez-vous votre enfant pour sauver le monde…?).
* Les changements de focale (Horace, Hortense, Perla) donnent l’impression d’une série chorale non assumée. D’ailleurs, la série s’appelle Néro, mais chaque titre d’épisode porte le nom d’un personnage différent, sans pour autant se focaliser réellement sur lui, ce qui est étrange. Il semblerait que Netflix n’assume pas de produire des séries chorales, j’avais eu la même observation pour la série Soleil Noir…
* Plot > émotions : poursuites, prophétie, alliances politiques… le conflit interne passe au second plan. Alors qu’on nous vend une série Character Driven (série éponyme…), voix-off interne de Néro… on se retrouve avec plus de conflits externes qu’internes.
* Néro n’évolue pas vraiment :
* Il ment, manipule, tue au départ pour lui, puis pour “les siens”.
* Il croit changer, mais déplace seulement son égoïsme (“moi contre le monde” → “nous contre le monde”).
* Le monde autour de lui évolue bien plus que lui : Néro n’est pas le moteur du changement, il en est seulement le témoin. Ce sont les autres personnages qui transforment l’histoire à sa place → Perla devient adulte et se sacrifie, Hortense s’émancipe. La Borgne révèle la vérité du monde. Le Moine ouvre les yeux sur sa foi. Néro est persuadé d’avoir évolué mais reste égoïste et n’a pas l’air d’avoir une prise de conscience à ce sujet. On a donc une impression de flou dramatique, tout bouge, sauf le (anti-)héros. D’ailleurs l’arc d’Horace le moine m’a paru bien plus intéressant que celui de Néro, ce qui ne me semble pas tout à fait normal.
* D’autres personnages secondaires sous-exploités : Rochemort, la Borgne, Lothar, Zineb, l’Archevêque… chacun aurait pu incarner une facette de la foi, du pouvoir ou du mensonge.
Second screen et lisibilité Netflix
Néro semble s’inscrire dans la tendance des séries dites “second screen”, celles qu’on peut suivre en scrollant sur son téléphone. Comme le rappelait The Guardian dans son article du 17 janvier 2025, “Not second screen enough: Is Netflix deliberately dumbing down TV so people can watch while scrolling?”, Netflix favoriserait désormais des formats plus “lisibles” : exposition répétée, rebondissements constants, structure mission-par-mission, pour capter un spectateur distrait. Malheureusement, la nuance se perd.
Conclusion
Néro est un divertissement ambitieux porté par Pio Marmaï et une DA léchée, avec une promesse émotionnelle père/fille réelle mais sous-exploitée par un moteur très plot-driven.
Si vous attendez une série à la portée symbolique claire, avec un vrai fil conducteur thématique et des dilemmes moraux forts, vous risquez d’être un peu dérouté.
Par contre, regardez Néro si…
* Vous aimez les série françaises ambitieuses, qui mélangent des genres.
* Vous chercher un bon divertissement après une grosse journée de boulot.
* Vous aimez les fresques historiques visuellement riches.