Picassent 2 in Quia Frater poética (2020-2021)Illustration : Xabier Moingeon - https://xabiermoingeon.wordpress.comPicassentLes couloirs, les grilles, les gardiens, les portiques de sécurité, les casiers pour tes affaires - Enfin, ce qu'il en reste...Tout a été retiré à l'entrée. Encore des couloirs et encore des grilles. Des alarmes pour tout - surtout pour te dire de passer et de dégager.Des minis-cellules de visite avec de lourdes portes en verre - et des gardiens qui rodent - font office de parloirs. Il y en a une vingtaine côte à côte.Certaines cellules ne ferment pas. La lourde porte ne tient pas. Un bruit ahurissant envahit la pièce.Tu ne peux pas accueillir ton émotion dans le silence et la sérénité.A l’intérieur, une autre vitre et ton bro derrière les barreaux. Vitre + barreaux.Un tabouret. Tu as 40 minutes.D'autres cellules n'ont pas de tabouret.Tu ne peux pas te poser pour faire face à l'émotion. Tu dois tenir 40 minutes avec les tremblements dans les cuisses et sous les yeux et autour de la bouche.Sur le côté un téléphone. Pour l'entendre, tu dois décrocher.D'autres cellules n'ont pas de téléphone. Ou encore, d'autres cellules ont un téléphone qui ne fonctionne pas.Tu ne peux pas entendre ni parler pour évacuer l'émotion.Je fais toutes les cellules restantes sans trouver une cellule libre qui me permette de réunir les conditions pour profiter correctement de mon bro que je n'ai pas revu depuis un an.Je choisis la cellule avec la porte qui ne ferme pas, c'est encore ce qu'il y a de plus tenable pour moi, mais j’entends le brouhaha constant des autres prisonniers, des autres visiteurs, des gardiens. Un bruit qui résonne, énorme. Et parfois je n'entends pas mon frère, mais je ne le fais pas répéter. Je n'ai pas le temps de le faire répéter. Je demande à mon cerveau d'interpréter ce qui peut se dire et se vivre dans cet instant-là . Unique et très court instant.Tu dois profiter, ne pas perdre de temps. Tu n'as pas le temps d'en perdre.