Troisième film de la réalisatrice philippine transgenre Isabel Sandoval, Brooklyn secret, sorti ce mois-ci en DVD, se nourrit de l'intimité de sa réalisatrice pour interroger poétiquement la marginalisation de ceux et celles qui franchissent les frontières — légales ou de genre — sous l'administration Trump.Dans un petit appartement de Brighton Beach, au sud de Brooklyn, Olivia, interprétée par la réalisatrice elle-même, accompagne au quotidien Olga, une grand-mère ashkénaze qui perd peu à peu la tête.Immigrante philippine, Olivia compte s’extraire de sa situation précaire en réalisant un mariage blanc avec un Américain qu’elle paie dans l’espoir d’avoir des papiers.Mais deux événements vont venir troubler cette routine discrète de l’illégalité : le faux mariage a du plomb dans l’aile et débarque dans l’appartement d’Olga son petit-fils, Alex, bad boy inconséquent, briseur de cœurs, alcoolique, qui tente de rentrer dans le droit chemin en découpant des carcasses dans l’abattoir de son oncle.Les deux solitaires se rapprochent et la jeune femme se prend à rêver d’une véritable histoire d’amour. À condition qu’il accepte son secret.On pense immanquablement au cinéma de James Gray, en particulier à Little Odessa, référence que la réalisatrice assume parfaitement.C’est la comédienne Lynn Cohen qui interprète la vieille femme ashkénaze en fin de vie. Vue chez Woody Allen (Meurtres mystérieux à Manhattan) ou Munich de Steven Spielberg, son personnage a perdu en autonomie et nécessite de l’aide pour les tâches du quotidien comme prendre soin d’elle, mais aussi pour de la compagnie et une surveillance.Elle fait partie de cette immigration juive arrivée massivement dans le quartier de Brighton Beach quelques décennies plutôt. Aujourd'hui intégrée, elle aussi, comme Olivia, elle a été une immigrée dans ce pays.Parce que Brooklyn Secret est aussi un film éminemment politique; dans l’Amérique de Trump, Olivia est une cible idéale.