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Description

Le paradoxe avec le roman graphique dont nous parlons aujourd'hui, c'est qu'il induit dans la tête du lecteur une incroyable bande-son. Évidemment, le titre y est certainement pour quelque chose : Rhapsodie en bleu évoquant inévitablement l'œuvre célébrissime de Georges Gershwin. Mais pas que…En parcourant les magnifiques pages dessinées par l’auteur italien Andrea Serio, on perçoit les silences, les sons de la nature, le vent parmi les feuilles, le ressac de la mer, le gazouillis des cigales, les bruits de la technologie, les voitures, les tramways, les métros surélevés, les véhicules militaires, les sirènes des navires, le rugissement des masses fascistes, les pas solitaires et ceux des troupes, les sifflets, les sifflements, les coups de balles et de grenades.Devant les pages somptueuses dessinées au pastel qui font de chaque case un véritable tableau dont on a envie d’effleurer du doigt les traits de crayon pour apprécier au plus près le travail de l’artiste, on est envahi par les immensités de bleu soutenu de temps en temps par un ocre profond. Il s'en dégage une sensation de quiétude, de douceur, tout y est feutré, presque confidentiel… alors qu’on y dépeint le tragique de vies brisées.Trois cousins juifs, Andrea, Martino et Cati, sont persécutés par les lois raciales de Mussolini à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Andréa et Cati devront quitter le monde confortable et protégé dans lequel ils vivaient fait de bains, de soirées dansantes. Ce sont des jeunes comme beaucoup. Sauf qu’ils sont nés juifs…«À dater du jour du 15 octobre 1938, Victor Emmanuel III, par la grâce de Dieu et par la volonté de la nation, roi d’Italie, empereur d’Éthiopie, ayant entendu le Conseil des ministres, décrète que tous les enseignants de race juive seront suspendus de leur service, et ne pourront être inscrits les élèves de race juive.Sont considérées comme de race juive les personnes nées de parents tous deux de race juive, quand bien même elles professeraient une autre religion que la religion juive…»Forcé de quitter Trieste pour New York, Andrea essaiera de retrouver une vie normale, hanté par les fantômes du passé.New York le séduit en le faisant se sentir «chez lui et, en même temps, dans un endroit hors de ce monde, au centre du monde». New York ne cesse de l'étonner: «c'est une ville qu'on voit toujours pour la première fois », comme l'écrit Scott Fitzgerald.