-Que pense-t-il de ce tableau ?
-Il le trouve indéfini
-Dites-lui que l’indéfinissable est mon fort
De ce qui nous est rapporté de ce dialogue, « Indéfini » serait le qualificatif choisi par le commanditaire pour exprimer de manière polie son désarçonnement face au tableau. « Indéfinissable » est celui repris avec jubilation par Turner.
Ces termes, n’inaugurent pas la tentative d’une organisation intellectuelle de ce qui nous est donné à voir, mais assume en un mot une impossibilité. Quelque chose résiste alors à notre entendement, pour le malheur du commanditaire de l’œuvre comme pour le plus grand bonheur de son créateur.
Ce qui nous empêche de définir l’ensemble pictural, c’est l’inadéquation entre la chose vue et les repères habituels présents dans notre monde sensible. Cela ne correspond ni totalement à ce que nous connaissons, ni à ce que nous aimerions reconnaitre. Ce qui explique la réaction circonspecte du collectionneur James Lennox à la vue du tableau commandé à Turner.
Le tableau dont il est question s’intitule Staffa, la grotte de Fingall. Pourtant, il ne représente ni tout à fait l’île de Staffa, ni la grotte de Fingall, autrement que par une immense falaise à peine perceptible dans une épaisse couche de brume. Les seuls éléments immédiatement identifiables sont un oiseau blanc s’envolant à l’avant plan et un bateau à vapeur pris dans la tempête. Parce que du fameux paysage écossais décrit par Walter Scott, ce que Turner...