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Description

À quoi bon être sans en avoir conscience ?

Nous gagnons en doublant la mise, à être conscient d'être conscient au lieu et au moment présent, et non pas dans un ailleurs ou un autre temps. 

Cet état est variable en fonction de ce qui s'y passe. Or, le plus souvent, nous y trouvons vite l'ennui sans voir alors l'intérêt paradoxal que ce sentiment est seulement la première ligne de défense du mental, l'évitement de la preuve d'un stade meilleur, la résistance du petit-moi au bien-être qui s'instaurerait sans lui. 

Il suffit du trop-peu minimum d'une simple dose de conscience pour que s'opère le retour mécanique au bercail du conditionnement, ce pli marqué en soi de nous extraire coûte que coûte d'une intériorisation dont l'inconnu nous pousse à préférer nous refugier vers n'importe quoi d'autre de décentrant : la projection reflexe dans une pensée ou le premier écran venu, le premier bavardage ou un acte compulsif créant le déséquilibre, préférablement anxiogène, dont notre intellect zélé s'empare promptement, justifiant de l'utilité tant rassurante qu'anihilante de son agitation à traiter du futile qu'il nous déguise en importance. 

À la hauteur de cette disposition, il nous est loisible de nous laisser porter de confiance et de curiosité pour changer d'espace et découvrir ce que nous tenons pour le néant, puisque échappant à nos sens. Il nous suffit pour cela de nous éloigner du volontaire autant que de tout concept, idée ou opinion, et nous ouvrir à l'intention flottante de percevoir pour sentir sans yeux ce que nous observons, sans ouïe ce que nous entendons, sans derme ce qui nous touche et le goût sans papilles que nous avons de l'abondance du vide, de la vérité poétique blottie dans le silence, des ondulations douces de l'immobilité, de la paix sans limite sous-jacente au tumulte. 

Atténuant toute emprise sur ce qui est et se vit en soi, nos sens inversés, retournés vers l'intérieur et si discrets soient-ils, impriment malgré tout une imparable, même infime influence, laquelle aussitôt s'expanse et se dilue dans la sphère observée, ce, jusqu'à la plus profonde dissolution du « moi existentiel » traduisant à juste proportion le réinvestissement du Soi : cette incontestable, pleine, vivante et paisible présence dont la place supplante celles de tous sujets d'attention, de peur ou d'affection, désormais enfouis à l'arrière-plan bien estompé. 

Retiré des pensées, de l'espace et du temps, le mental se désidentifie et se mue dans la protection subtile du témoin intérieur de l'harmonie de la vie inscrite dans le corps en relation à son environnement : la toute nature dont la proximité affine la reconnaissance enseignante de la Nature du Tout. 

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(Rediffusion 2024)

Texte déposé ©Renaud Soubise

Musique : ©Gurvitz Weiner, Night Shadows licence Ausha 

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