CâĂ©tait il y a cinq jours, le lundi 22 fĂ©vrier, Ă 10 heures du matin. Deux voitures du PAM, le Programme alimentaire mondial, filent sur la route nationale 2. Elles ont quittĂ© la ville de Goma et roulent vers un site de lâorganisation, Ă Rutshuru. Ă son bord, cinq agents du PAM, lâambassadeur dâItalie en RDC et son garde du corps.Â
Soudain, six ou sept hommes armĂ©s font irruption sur la route. Ils tuent un des chauffeurs congolais presque tout de suite. Puis ils obligent les autres membres du convoi Ă fuir avec eux vers lâintĂ©rieur du parc des Virunga. Ils rencontrent des gardes du parc. Sâensuit un Ă©change de tirs, la mort du garde du corps et la blessure, mortelle, de lâambassadeur.
Vous Ă©coutez le troisiĂšme numĂ©ro de Po Na Gec, la capsule audio du Groupe dâĂ©tude sur le Congo de lâUniversitĂ© de NewYork, qui tente dâĂ©clairer lâactualitĂ© de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, le coordonnateur du BaromĂštre sĂ©curitaire du Kivu. Nous sommes le vendredi 26 fĂ©vrier et voilĂ ce que lâon sait sur la tragĂ©die qui a Ă©branlĂ© lâItalie et braquĂ© les projecteurs sur lâest du Congo. Mais il reste, Ă cette heure, des zones dâombres dans cette histoire. Et, pour lâinstant les mystĂšres sont dâautant plus difficiles Ă percer que le gouvernement italien a annoncĂ© sa volontĂ© dâidentifier toute les responsabilitĂ©s dans ce drame. LĂ©gitime, bien sĂ»r. Mais cela nâaide pas les langues Ă se dĂ©lier.
Alors, quelles sont ces zones dâombres ? Dâabord, que faisait le diplomate dans un convoi sans escorte sur cette route ? Il semble, en rĂ©alitĂ©, que les procĂ©dures Ă©taient respectĂ©es. Cet axe Ă©tait classĂ© jaune par lâONU. Ce qui autorise dây circuler en convoi de deux voitures.Â
Ensuite, dans quelles circonstances exactes les deux Italiens ont-ils Ă©tĂ© touchĂ©s. Des sources crĂ©dibles affirment quâils ont tentĂ© de fuir, ce qui aurait amenĂ© les ravisseurs Ă leur tirer dessus. Fort possible. Mais lâissue aurait-elle Ă©tĂ© diffĂ©rente sans combat avec les gardes du parc ? Dans quelles circonstances prĂ©cises ces gardes ont-ils Ă©tĂ© engagĂ©s ? Ce sera aux enquĂȘtes de le dĂ©terminer.Â
Lâambassadeur Ă©tait-il visĂ© ? Ă ce stade, rien ne lâatteste. Mais il sera trĂšs difficile dâavoir une rĂ©ponse dĂ©finitive sans identifier les ravisseurs. Ce qui nous emmĂšne Ă la derniĂšre et principale zone dâombre : qui Ă©taient les ravisseurs ? Le gouvernement provincial du Nord-Kivu a immĂ©diatement incriminĂ© les FDLR. Câest fort possible. Cette rĂ©bellion hutu rwandaise opĂšre non loin de lĂ et a commis de nombreux kidnappings par le passĂ©. Mais les autoritĂ©s nâont pas prĂ©cisĂ© sur quoi se fondait cette accusation. Selon elles, les assaillants parlaient le kinyarwanda. Mais, dâune part, cette information nâa pas Ă©tĂ© confirmĂ©e de source indĂ©pendante. De lâautre, cela ne permet pas de distinguer les diffĂ©rents acteurs qui opĂšrent dans la zone : tous ont, en leur sein, des locuteurs de kinyarwanda.
Lâidentification des auteurs ne sera pas facile pour les enquĂȘteurs. Sur le territoire de Nyiragongo, oĂč sâest produit lâattaque, 18 cas de kidnapping ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s en 2020. En plus des groupes armĂ©s organisĂ©s, des bandits opĂšrent, et leurs commanditaires sont rarement dĂ©couverts. Cette fois, un incident qui sâest produit dans cette rĂ©gion a endeuillĂ© jusquâen Europe. Mais il sâinscrit dans une longue lignĂ©e de drames qui frappent, chaque jour, dans lâest du Congo.Â
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