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Il est enfin là, le gouvernement Sama Lukonde. Composé de 56 ministres dont 15 femmes, cette nouvelle équipe gouvernementale couronne les tractations politiques débutées depuis le 23 octobre 2020. Ce jour-là,  le président Félix Tshisekedi avait annoncé les consultations nationales, mettant ainsi fin à la difficile relation qu’il entretenait avec le FCC de son prédécesseur, Joseph Kabila. Six mois plus tard, Felix Tshisekedi trône seul à la tête de l’Etat. Quelles seront ses priorités ?

Bonjour !

Je m’appelle Fred Bauma et je suis directeur de recherche au sein du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New York. Ceci est le dixième numéro de Po Na GEC, notre capsule audio qui résume, explique et donne notre avis sur les questions d'actualité en RDC.

Nous sommes le vendredi 16 avril.  

Les étoiles sont désormais alignées pour Felix Tshisekedi qui, au bout de deux ans, a complètement inversé les rapports de force entre lui et son prédécesseur Joseph Kabila. Le président avec un pouvoir limité au départ a cédé la place à un homme fort, jouissant aussi bien d’une majorité au parlement que d’une cour constitutionnelle en sa faveur et une influence de plus en plus visible au sein des services de sécurité.  Dans ce nouveau gouvernement, il a placé son conseiller à la tête des finances pour renforcer également son contrôle dans ce secteur et un proche de la famille au ministère de la défense. Le nouveau président a donc, au moins pour l’instant, les leviers politiques nécessaires pour appliquer son programme, inconnu jusque-là, mais dont les détails devraient être connus lors de l’investiture du gouvernement dans quelques jours. 

Mais si tout semble lui sourire, le président aura face à lui la contrainte du temps. Il ne lui reste plus qu’un peu plus de deux ans avant les prochaines élections. Deux ans donc pour mettre en œuvre son programme et satisfaire les attentes énormes de la population. 

Dans ce cas de figure et avec des moyens réduits, impossible de tout faire : Félix Tshisekedi devra faire des choix qui ne seront pas sans conséquence. D’une part, le président, qui devrait se présenter pour un nouveau mandat en 2023, pourrait prioriser les programmes “à impact rapide” qui pourraient soutenir un agenda électoraliste. Il pourrait ainsi lancer de nouveaux projets d’infrastructures, investir dans des actions sociales comme la distribution des vivres et d’autres biens, ou encore aborder la question de la crise sécuritaire dans l’Est du pays à travers des actions sporadiques sans en adresser les causes profondes. Cela pourrait lui garantir un soutien populaire. Cependant, cette approche, qui suit la logique du programme d’urgence, a plusieurs limites. Comme l’a montré le programme des 100 jours du président, le risque est de s’engager dans de multiples projets sans se soucier des procédures exigées et sans un bon suivi. Surtout, cette approche ne permet pas de résoudre les problèmes profonds de la société, de repenser la structure de l’économie ou d’appliquer des grandes réformes nécessaires. 

D’autre part, le nouveau gouvernement pourrait se concentrer sur des réformes essentielles pour remettre la RDC sur le chemin de la paix et du développement durable. Le président pourrait par exemple proposer une nouvelle vision du développement du pays, en restructurant l’économie congolaise, jusque-là dépendante de l'extérieur, en organisant le secteur agro-pastoral,  en finançant l’industrie locale.Il pourrait aussi concevoir des politiques sociales pour combattre la pauvreté et les inégalités ou encore outre réformer les finances publiques et renforcer les mécanismes de contrôle. Il pourrait mettre en place la réforme du secteur de sécurité et renforcer la justice dans la lutte contre l’impunité. Enfin, il pourrait engager des réformes pour renforcer les institutions démocratiques. Cela implique des changements constitutionnels, des réformes électorales et bien d’autres. Contrairement aux projets à impact visible, l’approche réformatrice pourrait nécessiter un plus large consensus politique et susciter des controverses. Cette approche, qui nécessite de mobiliser d'énormes moyens financiers, de gérer les intérêts de l’élite congolaise et des acteurs internationaux, sera plus difficile à mettre en oeuvre. Mais, menée à terme, ses résultats, qui ne pourraient être visibles qu’après plusieurs mois, voire plusieurs années, pourraient permettre d'avoir un impact plus durable. 

Réformer l’Etat ou adopter un nouveau programme d’urgence, le choix appartient aux nouveaux dirigeants. En attendant, le compte à rebours est lancé. 

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Ă€ la prochaine !