Avec la chronique de Guillaume Sébastien :
A choisir entre les deux expositions actuellement présentées au musée d’Orsay, « Degas / Manet » et « Pastels, de Millet à Redon », cette dernière est à recommander : sujet original, exposition rare, beauté des œuvres, moins de monde… La collection des pastels d’Orsay est la plus importante au monde, elle en compte plus de 500 qui sont peu montrés. En effet, le pastel, constitué de pigments durcis par un liant, est fragile, sensible à la lumière, exposé parcimonieusement. Près de 100 pastels sont présentés ici. Et quelle expression, quelle délicatesse ! Le pastel ravit au pinceau cette possibilité de prolonger le moment observé, de figer le temps, grâce à ce voile léger inhérent à la technique. C’est un outil « propre » donc il peut être utilisé facilement, à l’extérieur mais aussi à l’intérieur, directement dans les maisons. Au XIXème siècle, les femmes s’en emparent, Mary Cassatt excelle avec ses merveilleux portraits d’enfants et ses maternités, clous de l’exposition. Les Nabis (Vuillard, Roussel) utilisent abondamment le pastel pour leurs intérieurs, leur grand sujet. Millet l’apprécie tout autant que l’huile, et le critique d’art Huysmans les préfère à ses toiles. Sans pastel, Degas aurait-il fait ces nus d’une telle sensualité ? Des œuvres étonnent : un Mondrian représentant un port de pêche, à l’ambiance nocturne, entre chien et loup ; un Nageur de Caillebotte, prêt à plonger, en habit rayé ; un portrait de femme par Jacques-Emile Blanche, silhouette longiligne habillée de noir, Yvette Guilbert, l’actrice portraiturée avec extravagance par Lautrec, ici sagement représentée. Le pastel est plutôt l’expression de la couleur, mais pas seulement. Les pastels de Redon clôturent l’exposition : le pastel est aussi un outil pour les artistes dont, en cette fin de siècle, les préoccupations sont éminemment spirituelles.
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