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Il est une imprécation que l’on entend parfois à l’adresse de personnalités critiquant la politique étrangère d’Israël. Cette imprécation, entendue dans la bouche du député Meyer Habib par exemple, c’est celle « d’antisémite » : si vous portez un avis négatif sur Israël, vous êtes peut-être bien antisémite. On sent que cette accusation est faite pour décourager toute critique sur la politique menée par Israël au Proche-Orient. Et de fait, c’est très intimidant : quand vous dites à quelqu’un qu’il est antisémite dans un débat dont vous ne venez pas à bout, il y a des chances pour que votre contradicteur, tout en s’en défendant, batte piteusement en retraite. Et cependant, il y a moyen de déminer ce faux anathème. Tout d’abord, dire à quelqu’un qu’il est antisémite parce qu’il conteste ce que disent ou font les dirigeants d’Israël, c’est accepter placidement le mélange des genres. Pour prendre une comparaison : on n’est pas anti-français, ou anti-chrétien, ou anti-droits-de-l’homme parce qu’on critique la diplomatie française. Mais le point que je trouve intéressant est le suivant : en admettant que quelqu’un ait réellement une dent contre Israël, serait-il pour autant exact de le traiter d’antisémite ? En réalité, il me semble que peu de gens savent à quoi ce mot fait référence. Il renvoie au sémitisme bien sûr mais justement, qu’est-ce que le sémitisme ? Il y a d’abord le versant ethnique : les Israéliens sont-ils des sémites ? Eh bien ce n’est pas du
tout évident. Les ancêtres des Israéliens actuels sont passés par de nombreux lieux dans l’Histoire parmi lesquels l’Europe et le Caucase de sorte que l’argument ethnique est devenu très faible. Mais peut-être que le sémitisme renvoie à la religion. Peut-être que le prétendu antisémite en veut à la religion du talmud. Mais là encore, c’est loin d’être évident dans un contexte d’apostasie générale, y compris en Israël. Le troisième attendu qui pourrait expliquer l’accusation d’antisémitisme est le projet politique d’Israël, c’est-à-dire le sionisme avec sa dimension messianique. Mais là encore, qui peut déceler au sein de la politique française un quelconque courant antisioniste, y compris parmi la droite identitaire ? Et d’ailleurs Meyer Habib, promoteur de la cause d’Israël, celui qui est si prompt à dégainer l’accusation d’antisémitisme, campe dans les rangs du parti de Marine Le Pen à l’Assemblée nationale. Comprenne qui peut ! Non, décidément, il n’est guère de juron aussi peu approprié que celui d’antisémite … sauf bien sûr à concourir pour le prix de l’humour
politique.

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