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La bande dessinée se révèle un média privilégié pour faire passer des idées ou pour présenter de manière vivante au plus grand nombre le résultat d’enquêtes fouillées. C’est le cas d’un ouvrage intitulé Champs de bataille, paru chez Delcourt en 2024, qui collecte de nombreux témoignages et illustre le traumatisme qu’a constitué le remembrement en Bretagne et dans d’autres régions de France.


Dans notre pays, après la Deuxième Guerre mondiale, les besoins sont immenses et la modernisation de l’agriculture tarde à venir si l’on se compare aux Etats-Unis, à l’Allemagne ou à la Grande-Bretagne par exemple. De fait, les moyens sont trop dispersés et les parcelles souvent bien trop petites. A partir des années 1940 et pendant des décennies, les différents gouvernements et les organisations agricoles vont organiser l’agrandissement à marche forcée des exploitations et l’adaptation des paysages aux tracteurs. Qui pouvait être contre le progrès ? Malgré les réticences et le désarroi de ceux qui voyaient parfois disparaître leurs raisons de vivre disparaître en même temps que leurs talus et leurs vergers, le sacro-saint progrès a fini par tout emporter, souvent dans la violence, à coup de bulldozer, et au prix du plus grand plan social jamais imaginé, qui a permis de passer de 7 millions de paysans et de salariés agricoles en 1946 à 3,8 millions en 1962 et à peine 800 000 aujourd’hui.
Nous sommes désormais accoutumés à nos paysages nus et à l’absence de vie dans nos campagnes dont les haies constituaient des réservoirs de biodiversité. Mais un livre comme Champs de bataille a le mérite de nous montrer que cela n’allait pas de soi et que l’on a sans doute eu tort d’aller trop loin dans des logiques productivistes, même si elles correspondaient au départ à une forme de nécessité. Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture sous de Gaulle, en témoignait en 2009 : « Il est disparu beaucoup plus de fermes que nous ne l’imaginions. J’ai un peu honte de ne pas avoir su prévoir le bouleversement que cela provoquerait ».
Pourtant, en a-t-on collectivement tiré les leçons ? Concernant les haies, de mauvais plis sont pris. Il existe bien aujourd’hui des politiques publiques pour les replanter mais, malgré tous les avantages qu’elles apportent (stabilisation des sols, amélioration de la qualité de l’eau, création de conditions microclimatiques favorables…), on continue d’en détruire plus que l’on en recrée : 23 500 km de haies ont ainsi été annuellement détruits entre 2017 et 2021, en augmentation par rapport à la période précédente, et seulement 3 000 par an ont été replantés. Malgré l’urgence, il s’avère difficile de changer de logique et de trouver les modalités de régulation convenant à tous les acteurs.

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