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Mercredi 10 Avril

Forough Farrokhzad est une des plus belles voix de la poésie iranienne. Sa vie même, - autant que son

œuvre-, l'a rendue célèbre. C'est la première poétesse iranienne contemporaine à s'exprimer en tant que

femme avec le courage que cela implique.

Aujourd'hui, je vous lis:

Une autre naissance

Toute mon existence est un verset obscur

Qui se répète et te ramène

À l'aube des éclosions et des croissances perpétuelles

Dans ce verset

Je t'ai soupiré, j'ai soupiré

Dans ce verset

Je t'ai greffé à l'arbre, à l'eau, au feu

La vie, c'est peut-être

Une longue rue où passe chaque jour une femme avec un panier

La vie, c'est peut-être

Une corde avec laquelle un homme se pend à une branche

La vie, c'est peut-être un enfant qui revient de l'école

La vie, c'est peut-être allumer une cigarette

Dans la langueur qui s'étire entre deux étreintes

Ou c'est l’œil distrait d'un passant

Qui à un autre dit en levant son chapeau avec un sourire banal bonjour

La vie c'est peut-être

Le moment sans issue où mon regard se dissout dans tes pupilles

Et à cette sensation je mêle la perception de la lune et des ténèbres

Dans une chambre à la mesure d'une solitude

Mon cœur, à la mesure d'un amour

Se tourne vers les raisons naïves de son bonheur

Vers le jeune arbre que tu as planté dans notre jardin

Vers les canaris qui chantent à la mesure d'une fenêtre

Ah...

C'est mon sort

C'est mon sort

Mon sort, c'est un ciel qu'un rideau m'empêche de voir

Mon sort, c'est descendre un escalier désert

Et rejoindre quelque chose dans le pourrissement et l'abandon

Mon sort, c'est marcher nostalgique sur les terres du souvenir

Et défaillir dans la tristesse d'une voix me disant :

J'aime tes mains

Je plante mes mains dans le jardin

Et je sais, je sais, je sais, je vais verdir

Et dans mes paumes violacées d'encre

Les hirondelles vont venir pondre

J'accroche deux boucles de cerises rouges à mes oreilles

Je colle des pétales de dahlia sur mes ongles

Il existe une rue

Où des garçons les cheveux en bataille

Le cou mince et les jambes maigres

Étaient amoureux de moi

Et pensent encore aux sourires innocents d'une feuille

Qu'une nuit le vent a emporté

Il existe une rue que mon cœur a volé

Aux quartiers de mon enfance

Moi

Je connais une petite fée triste

Qui habite un océan

Et qui souffle son cœur dans une flûte en roseau

Si doucement, doucement

Une petite fée triste

qui la nuit meurt d'un baiser

Et d'un baiser au matin renaîtra

In Seule la voix demeure, p.89

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