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Écrivain, traducteur et éditeur Frédéric Boyer avait réuni en 2001 une vingtaine d’exégètes et autant de romanciers pour la traduction de la Bible parue chez Bayard. Récemment, il vient de publier chez Gallimard sa traduction des Évangiles.
Selon lui, une traduction neuve a « cela de bénéfique qu’elle permet d’interroger de nouveau un texte qui peut sembler très familier. C’est vrai en particulier d’un écrit qui, comme les Évangiles est regardé comme sacré. Une nouvelle traduction d’une œuvre aussi canonique permet de continuer à la questionner. Sans cela, le risque est d’en avoir une lecture figée. » Mais il insiste aussi sur la dimension orale des Évangiles qui influera sur son travail, comme il l’explique dans une introduction de quelques 75 pages intitulée L’Évangile, théâtre de la
parole : « Mon rôle de traducteur sera de tenter de faire monter la parole dans notre lecture. Comme on monte le son. L’apôtre, l’envoyé, les Évangiles est littéralement un « haut-parleur ». Parler soulève. » La suite de son explication me paraît particulièrement intéressante alors que nous sommes à 3 jours de Pâques : « La parole relève. (C’est un des
verbes en grec de la résurrection). ». Frédéric Boyer insiste également sur un autre aspect, en fait le plus fondamental : cette nouvelle traduction permet de découvrir ou de redécouvrir une autre représentation de Jésus et de sa parole. Jésus cherche moins à culpabiliser qu’à libérer, il ne fonde pas de nouvelle religion mais cherche à faire abonder, multiplier, la parole de la Torah, en direction de toutes les classes sociales.
Frédéric Boyer a pris soin de nous faire entendre que le texte évangélique distingue le mal, la méchanceté de la peine, de la fatigue, du tourment qui nous écrase. Ainsi il constate que « Dans le Notre Père, chez Matthieu, nous demandons d’être délivrés, libérés du tourment, de
la peine d’être tourmentés, et non du mal comme on le traduit raditionnellement (…) Quant à la « faute » ou au « péché », ces traductions nous auront longtemps tenus à une seule lecture
culpabilisante de cet enseignement qui se présente pourtant comme une libération et un relèvement, un soulèvement. (…) Le rabbi Jésus ne culpabilise pas ses interlocuteurs, il vient pour dénoncer les manques, les erreurs que nous faisons dans la vie comme dans le travail d’interprétation de la vie, réalisé dans la lecture et l’interprétation de la Tradition. ». Quelques pages plus loin, nous apprenons qu’« Il faut aussi se débarrasser d’une représentation sulpicienne, et victimaire, de Jésus. Il n’est ni victime ni simplement compatissant et doux ». Frédéric Boyer précise que son « « esprit de rebellion » (…) est moins
politique que profondément spirituel, messianique – celui du sage qui se lamente sur le monde et prend à partie les siens ». J’attire l’attention de mes auditeurs que si l’esprit de rebellion de Jésus est plus spirituel que politique, cela ne signifie nullement qu’il n’est pas politique du tout.
J’aimerai finir ma chronique par ces lignes tirées de l’intro de Boyer : « Le pouvoir populaire du thaumaturge, comme celui de Jésus, devient métaphore du soulèvement de la vie par la parole. Les affaiblis retrouvent des forces. Les malades sont guéris. Les infirmes marchent.
Les morts se réveillent. Il n’y a rien d’impossible finalement dans le récit que l’on fait pour être délivrés de nos inquiétudes. Raconter, ici, c’est affirmer l’extension du domaine du vivant ». La résurrection de Jésus, que nous nous apprêtons à célébrer, c’est l’extension du domaine du
vivant.
Bonne fête de Pâque.

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