Jamais, dans notre pays, le taux de pauvreté n’a été aussi haut et les inégalités aussi fortes. L’an passé, 650.000 personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté. Au total, ce sont donc presque 10 millions de personnes qui, parmi nous, doivent survivre avec des ressources inférieures à 1288 euros par mois. Ces 10 millions de personnes pauvres représentent près de 16 % de la population de l’hexagone, soit un français sur 6. Dans le même temps, les inégalités sont de plus en plus marquées : Les 20 % les plus riches ont maintenant des revenus 4 fois et demi supérieurs aux 20 % les plus pauvres.
Les plus touchés sont les chômeurs dont 36 % sont en situation de pauvreté. Viennent ensuite les familles monoparentales, puisque 34 % d’entre elles sont pauvres. Enfin, 22 % des enfants vivent dans des familles en grande pauvreté.
Au Secours Catholique, nos équipes en voient les conséquences concrètes. Les personnes en situation de pauvreté soit ne peuvent chauffer correctement leur logement, soit n’ont pas de repas avec des protéines au moins tous les 2 jours, soit ont des impayés de loyer, d’énergie, ou de mensualités d’emprunt. La quasi-totalité ne peut faire face à des dépenses inattendues. Survivre au quotidien devient un véritable combat.
Dans le septième pays le plus riche du monde, comment accepter que les plus fragiles d’entre nous soient ainsi abandonnés, faisant face à un avenir de plus en plus incertain, où les portes se ferment une à une ? Comment tolérer que plus de 2000 enfants doivent dormir dans la rue avec leurs parents ou que des travailleurs pauvres soient contraints de vivre dans leur voiture ?
A la sortie du COVID, les pauvres étaient plus pauvres qu’ils ne l’étaient avant. Mais la situation a encore empiré depuis. Les aides exceptionnelles au maintien du pouvoir d’achat ont pris fin. Les allocations logement n’ont pas été revalorisées au niveau de l’inflation, les réformes de l’assurance-chômage ont fait exploser le nombre de personnes privées de droits, le RSA ne devient accessible qu’à celles et ceux acceptant les contreparties qui leur sont imposées, mais leur sont parfois impossibles. En même temps, ces 2 dernières années, le coût de l’énergie a augmenté de 20 %. Celui du panier « alimentation-produits d’entretien et d’hygiène » de 21 %. Et si l’on remonte aux 10 dernières années, les APL ont évolué 2 fois moins vite que les loyers et 3 fois moins que les charges.
Pourtant, la pauvreté n’est pas une fatalité. Elle progresse ou recule selon les politiques menées. Là où les pouvoirs publics parlent d’économies budgétaires en réformant l’assurance-chômage ou en gelant les prestations sociales, nous voyons quant à nous des pauvres de plus en plus pauvres et qui le sont plus longtemps. Leur santé physique et mentale se dégrade, alors que se multiplient à leur endroit des propos de plus en plus stigmatisants. Non ! Les pauvres ne sont pas des « assistés » et encore moins des « feignants qui ne veulent pas travailler » ! Ils sont victimes d’une société qui au mieux les ignore et au pire qui les broie, leur niant la dignité attachée à la personne humaine et leur ôtant toute espérance.
Est-ce bien dans cette société-là que nous voulons vivre ? Une France coupée en deux, où l’on compte toujours plus d’exclus ?
Ce qui est certain est que notre démocratie et nous-mêmes avons tout à y perdre.
Philippe Guerquin, ancien président du Secours Catholique de Meurthe-et-Moselle.
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