À l’heure où j’écris cette chronique, personne ne sait encore ce qui va sortir de l’assemblée plénière des évêques de France qui se tient à Lourdes du 3 au 8 novembre. Une chose est sûre cependant : nous, les évêques, sommes de nouveau au pied du mur. Nous sommes interpellés à la suite de « l’affaire Santier », sur la sincérité des engagements que nous avons pris l’an passé à la suite du rapport de la CIASE. En clair, nous sommes accusés d’être des menteurs. Non pas d’abord parce qu’une nouvelle fois des actes gravissimes ont été commis par un prêtre instrumentalisant le sacrement de la confession (il y en a eu d’autres, hélas) ; non pas d’abord parce que ce prêtre a plus tard accepté sa nomination comme évêque (il y en a eu d’autres aussi) ; mais d’abord parce que ces scandales pesant à jamais sur l’existence des victimes n’ont pas été à temps dévoilés, condamnés, sanctionnés comme ils auraient dû l’être.
L’an passé, c’était une culture de l’autorité laissant la porte ouverte aux abus d’autorité qui était dénoncée, le fameux « cléricalisme » dont parle le pape François. Cette année, c’est spécifiquement la culture du secret, de la procrastination, de la préservation des apparences qui est clouée au pilori. « Ils savaient et ils n’ont rien dit » : c’est le titre d’un des nombreux articles parus ces derniers jours. Et il ne sert à rien de répondre qu’« ils » ne savaient pas tous et qu’« ils » ne savaient pas tout, même si c’est vrai. Il ne sert à rien de se retrancher derrière la lenteur des procédures, même si l’emballement avec ses conséquences médiatiques est un fléau. Il ne sert à rien non plus de déplorer l’inefficacité de certaines mesures disciplinaires, comme celles qui visaient dans les années 50 les deux frères Philippe, si l’on ne s’interroge pas jusqu’au bout sur les causes d’une pareille inefficacité. Il ne sert à rien enfin de mettre sur pied de nouvelles instances d’accueil, d’écoute, d’aide à la reconstruction des victimes si la culture elle-même demeure en place. Or nous autres évêques sommes accusés aujourd’hui d’avoir été façonnés par cette culture-là, qui engendre aujourd’hui tant de dégoût et de colère.
Tout cela serait-il donc « systémique » ? J’ai milité et je milite toujours pour qu’on emploie ce mot avec précaution pour ne pas déresponsabiliser les personnes en faisant tout porter sur les structures. Jean-Paul II, qui connaissait de l’intérieur la vulgate marxiste expliquant le mal par les structures perverses de la société, avait proposé une notion qui est un trait de génie, celle de « structures de péché ». L’explication ultime du mal ne réside pas dans les structures, mais ce sont des hommes pécheurs qui fabriquent toutes sortes de structures perverses. Et si ces structures perverses résultent de fautes personnelles, des décisions personnelles clairvoyantes et courageuses, peuvent assainir ce qui a été perverti. Des décisions personnelles clairvoyantes et courageuses : voilà ce qui est attendu de nous aujourd’hui.
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