Interview avec Zhiyi Wang : Le Cinéma Poétique et Mélancolique d’un Jeune Cinéaste Chinois
Lors du festival Entrevues de Belfort, le réalisateur chinois Zhiyi Wang a présenté son court-métrage Spring23, qui a remporté le Grand Prix au Festival de Brighton. Il évoque les inspirations et les défis de son travail, tout en abordant des thèmes de la tradition, de la mort, et des restrictions imposées par les autorités chinoises.
Une Histoire de Quête et de Traditions
Spring23 suit le personnage de Mohsen, un jeune homme qui, après les funérailles de ses parents, cherche à acquérir des feux d'artifice pour célébrer le Nouvel An lunaire, malgré leur interdiction par les autorités. Ce film, qui emprunte les codes du road movie, raconte moins une simple quête de feux d'artifice qu'une exploration de la mémoire, de la jeunesse perdue et de l'attachement aux traditions. Le film aborde aussi l'idée de renouvellement personnel à travers un personnage qui, au-delà de la recherche de feux d'artifice, tente de retrouver un souffle de renouveau et d'enfance.
Le choix de filmer cette quête dans un contexte de répression sociale (interdiction des feux d’artifice pour des raisons de sécurité et de pollution) permet à Wang de lier la petite histoire individuelle à un contexte politique et social plus vaste, celui des restrictions imposées par le gouvernement chinois. Selon lui, cette interdiction est avant tout un biais symbolique pour aborder une question beaucoup plus large : celle de la répression générale des autorités chinoises, souvent perçue sous un angle parental.
L'Inspiration et les Défis Créatifs
Le projet de Spring23 est né d'une vidéo vue sur Internet, où des feux d'artifice étaient utilisés malgré l'intervention de la police. Cela a frappé Wang, qui a vu dans cette scène une opportunité de raconter une histoire sur la rébellion, la tradition et la liberté individuelle, surtout dans le contexte de la Chine contemporaine. Le film est aussi le fruit de son expérience difficile de tournage pendant la pandémie de COVID-19, où les restrictions sanitaires ont mené à l'annulation de plusieurs projets.
Le Cinéma comme Moyen d’Exprimer les Complexités Sociales
Zhiyi Wang décrit sa relation avec la mort et les traditions en Chine comme centrale dans ses films. Ayant grandi avec une perception particulière de la mort, liée à la tradition locale de préparation des cercueils bien avant le décès, il explore cette thématique à travers des personnages jeunes et solitaires, souvent obsédés par la quête d'une solution à un problème existentiel. Cette exploration de la mort et de la disparition imprègne ses films, mais Wang la traite avec une certaine légèreté et poésie, contrastant avec les récits sociaux souvent sombres d’autres réalisateurs chinois.
Une Approche Formelle Unique
En termes de style, le film se distingue par un travail minutieux sur la caméra, notamment l'utilisation d’un travelling circulaire autour du personnage principal, qui aide à exprimer son état émotionnel et ses tourments intérieurs. Wang avoue que son approche cinématographique vise à rendre l’image aussi importante que le récit lui-même, trouvant un équilibre entre narration visuelle et scénaristique. La décision de filmer avec une caméra compacte permet à Wang de capturer les émotions de ses personnages de manière intime et discrète, dans un style proche de la Nouvelle Vague française.
Un Cinéma de la Mélancolie et de la Poésie
L’une des caractéristiques essentielles du cinéma de Zhiyi Wang réside dans sa capacité à insuffler une poésie particulière dans ses récits. Cela rejoint une tendance parmi une jeune génération de cinéastes chinois, qui, comme Wang, s'éloignent des représentations strictement sociales de la Chine pour privilégier des histoires plus introspectives, parfois presque oniriques. Ces films proposent une vision alternative de la Chine, où la poésie et la mélancolie se mélangent pour offrir une réflexion nuancée sur l’identité, la tradition et les restrictions imposées par la société.
Au terme de l’interview, il apparaît que pour Wang, son cinéma est un moyen de plonger dans les contradictions sociales et politiques de son pays, tout en offrant au spectateur une expérience émotionnelle profonde. Spring23 illustre parfaitement cette approche, en mettant en lumière un jeune homme qui, au-delà de la recherche de feux d'artifice, est en quête d'une forme de liberté, qu'il soit par les traditions ou par la rébellion.
Journaliste : Caroline Chatelet, Nicolas Bezard et Öykü Sofuoğlu
Réalisation & Photo : Olivier Legras