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« Faut faire avec, comme on dit à Brest »

Quelques semaines après sa naissance au Reun, à Lilia-Plouguerneau, les parents de Jeannine Simon l’emmènent vivre à Brest, pour une autre vie. Mais en 1942, l’intensité de la guerre la déracine. La famille revient se blottir dans une petite ferme aux murs non-extensibles et s’efforce de grandir, malgré le campement allemand voisin, à Kervenni. La vie de Jeannine se construit et se reconstruit ainsi, pétrie de cette urgence d’aller de l’avant. Elle partage son expérience avec sa petite fille Fanny, pour ce 13ème témoignage de 'Nos chemins de liberté'.

Nos chemins de Liberté est un documentaire porté par la Mairie de Plouguerneau (Finistère) et sa médiathèque, pour révéler les récits de vie de ses plus anciens habitants : celles et ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale, la libération puis la construction d'un jumelage avec une ville allemande.

Chaque témoignage, collecté par un collectif d'habitants, fait ensuite l’objet d’un podcast, ainsi que d’un portrait photographique, réalisé dans un lieu emblématique de la commune, évoqué en entretien. 

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«  C’est une histoire de cinéma

Une mamie de Brest qui, pour les fêtes de Noël,

envoie un colis à sa petite fille de Paris

Ce colis, elle l’a emballé avec une feuille du Télégramme

Alors quand le colis arrive là-bas c’est comme un message secret jeté à la mer

Le Télégramme, pour les Bretons d’ailleurs, c’est comme une trace d’ici

En ouvrant le colis, le mari récupère la page

Il la scrute, la parcourt et…

Il y un article sur Plouguerneau

Un article qui parle de 'Nos Chemins de Liberté'

Alors les deux parisiens ils se disent que ça c’est un signe

C’est la mamie qui leur fait une demande sans leur dire réellement

Ils nous contactent et tombent sur Géraldine

Et Gégé elle aime les histoires comme ça

Les belles histoires

En plus à cette époque on ne trouvait personne qui avait vécu à Lilia

Et cette mamie là, si !

Gégé elle prépare la rencontre

C’est sa spécialité

Elle tisse des liens pour créer de la confiance partagée

Alors à la fin du mois de mars, cette mamie de Brest et sa petite fille de Paris sont venues ici

À Lost an aod

Cette mamie c’est Jeannine

Sa petite fille c’est Fanny

Et ces deux-là elles nous fendent le cœur

Leur récit est celui d’un bébé qui quitte Lilia dès sa naissance

Car ses parents s’installent sur Brest

Ils vont à la ville et changent un peu de vie

C’est en migrant qu’on peut voir la vie changer

La ferme devient HLM

Le trois pièces, ses commodités

Avec tout le confort d’une vie urbaine

La vie moderne quoi

Pas celle de Tati tout de même

Presque

Du moins nous on y croit

On l’espère

Mais la guerre arrive

Trop vite

Trop tôt

Elle met un arrêt à cette modernité

Elle met un arrêt au rêve d’une meilleure vie

Pas celle où l’argent rentre plus vite

Mais juste celle où c’est un peu plus facile

Moins rude

Moins pénible

Alors la famille de Jeannine revient à Lilia

Dans la ferme familiale

Sans eau, ni électricité, ni commodités

Une vie de rien

C’est sans doute ce qu’on appelle la survie

Celle du peu

Du manque aussi

Alors Jeannine elle voit tout ça

Elle sent et ressent la marche arrière

Le retour à la case départ

Elle trouve ça un peu injuste tout de même

Et on la comprend

On pleure avec elle

Faut dire qu’en l’écoutant elle devient un peu notre mamie à nous aussi

Sa vie est cloisonnée à la ferme

Avec le campement Allemand juste à coté

Et eux ils ont le confort de la vie moderne qu’elle avait sur Brest De la nourriture

De l’électricité

De la musique

De la joie aussi

Mais bon, on fait avec quoi

Jeannine elle tente de faire avec

Mais elle a arrêté de respirer

Alors quand la guerre se termine elle se dit que ça va repartir

Que le retour sur Brest ce sera le retour du progrès

Mais Brest est sous terre

Et les constructions vont se faire attendre

Alors on se contente des baraquements

Puis du HLM

On est content pour Jeannine car on sent que c’est repartie pour elle

Comme avant la guerre

On a envie d’applaudir et de la prendre dans nos bras

Mais Jeannine va perdre son mari

Encore une guerre quoi

La guerre de l’absence

D’une famille amputée

Et pour Jeannine la famille c’est un tout undissociable

Mais notre mamie elle lâche rien

C’est un résistante

Elle retourne à la case départ

Pour tout reconstruire

Jeannine c’est une bâtisseuse

Elle franchit les cols de l’existence avec ses petits pieds

Elle lâche rien

Elle ne subit pas, elle éprouve

Elle se forme par les épreuves

Elle est belle à écouter

À voir aussi

On se dit que Fanny elle a de la chance d’avoir une grand-mère comme ça

Qu’en voulant que sa mamie témoigne elle nous a fait un sacré cadeau

Que sa Jeannine ça l’universalise

Qu’elle devient un peu notre grand-mère à tous et toutes

Jeannine elle voulait transmettre sa vie qu’à sa famille

Que c’était suffisant pour elle

Qu’il faut savoir rester discrète

Ne pas trop se montrer

Par pudeur et aussi respect des autres membres de la famille

Elle a raison

Mais Jeannine elle ne sait pas une chose

Avec ce récit elle est devenue la mamie de tout le monde

Et on est aussi un peu de sa famille maintenant

Elle a tout compris Jeannine

Et Fanny elle a bien fait de l’amener à nous

De l’amener à vous "

Thomas Troadec, sociologue et réalisateur, agence Catalpa

 

 

 

Nos chemins de Liberté : un projet porté par la Mairie de Plouguerneau avec sa médiathèque « Les trésors de Tolente »

 

Yannig Robin, maire de Plouguerneau, Frédéric Moritz, chargé des archives de la mairie et Christine Legal, chef de service Lecture publique, responsable de la médiathèque et du projet Nos chemins de Liberté

 

Christine Legal, Yannig Robin, Christophe Jacq, Léane Kervella, Cannelle Duniau et Emile Verdier

pour les entretiens en langue bretonne : Yannig Robin et Soazig Daniellou 

et pour assister dans les photographies : Nastasja Terrom

 

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Réalisation, entretiens, podcasts, photographies : Thomas Troadec

Graphisme : Stéphanie Plateau

Musique : Alexandre Varlet

Coordination, communication : Géraldine Genin

 

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