Johanne, ma chérie,
Hier nous avons mis en cartons les restes de ton enfance. Tu vas avoir treize ans et tu as décidé qu’il en était temps. Alors, nous avons descendu à la cave ta maison de poupée, le berceau, tes jeux, tous ces jouets qui disaient : « Voici la chambre d’une petite fille. » Maintenant, tu veux des posters au mur, des cassettes, et faire en sorte que cette chambre soit celle d’une grande.
Comme tu es la deuxième de nos enfants, cela ne nous a guère étonnés, ta maman et moi. La seule surprise, comme pour ton frère, c’est la rapidité avec laquelle c’est arrivé. Ne viens-tu pas tout juste de naître ? Quand as-tu cessé d’avoir peur du noir ? Il y a combien de temps que nous avons fait notre dernière partie de cache-cache ?
Aujourd’hui, te voilà mi-enfant, mi-femme, pleine de contradictions, impatiente de quitter le rassurant cocon familial, avide de nouveautés et d’émotions fortes.
Ce qui veut dire, ma presque adolescente, que dans les quelques années qui viennent tu seras stupéfaite de constater notre ignorance en matière de tout ce qui est branché, ringard ou super. Il y a bien des chances pour que nous n’ayons pas les mêmes goûts et que tu détestes ce qui nous plaît. Lorsque nous te refuserons une activité, tu t’empresseras de nous apprendre qu’on l’autorise à toutes les filles de ton âge.
Il t’arrivera de penser que tu as les parents les plus idiots, les plus minables et les plus injustes que la Terre ait jamais portés. A mon avis, rien de plus normal, car nous t’aimons assez pour courir le risque de ne pas toujours être aimés de toi.
Par moments, lorsque nous serons à bout de patience, ta mère et moi serons tentés de lâcher : « C’est bon… Fais ce que tu veux ! » Mais une pensée nous arrêtera : celle de ces gosses livrés à eux-mêmes parce que les parents ont baissé les bras.
Nous, nous sommes des parents vieux jeu dans la mesure où nous croyons que la vie est un don sur lequel il faut veiller, et que ce rôle incombe aux parents.
Rôle parfois effrayant quand on se dit qu’il n’existe aucun service de voyage accompagné pour passer en toute sécurité de l’enfance à l’âge adulte ; aucune possibilité de te prendre par la main et de t’y conduire sans danger. Ce voyage, tu dois le faire seule. Nous pouvons te conseiller, te faire part de nos expériences, avancer des suggestions, mais la décision de nous écouter ou non, t’appartiendra. Tu seras responsable de tes choix.
Il est parfois difficile de ne pas avoir hâte de grandir. Crois-le ou non, Johanne, ton vieux papa ne l’a pas oublié. Avoir treize ans, c’est comme une promesse en voie de réalisation. Des rêves attendent de devenir réalité ; des rencontres nouvelles se préparent, l’indépendance te fait signe au coin de la rue… Mais souviens-toi que ça ne veut pas dire que tout va t’arriver du jour au lendemain, même si tu le souhaites.
Hier encore, lorsque tu voulais attirer mon attention et que tu me sentais distrait, tu prenais mon visage entre tes mains et tu me grondais :
« Papa, écoute-moi avec tes yeux et vois-moi avec ton cœur. »
Combien de choses tu nous as apprises ! Tu as toujours été rêveuse et poète. Merci, Johanne, pour les joies dont tu as comblé notre existence. Puisses-tu voir toujours la vie non pas simplement avec tes yeux, mais aussi avec ton cœur.
Je t’aime ma fille.
Signé : Ton Papa.
Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui viennent les sources de la vie.Proverbes 4: 23.
Puis ce merveilleux texte d’Ecclésiaste chapitre 12 du verset 1 à 16 :
Jeune homme (jeune fille), réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton cœur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton cœur et selon les regards de tes yeux ; mais sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement.
Demain, je publierai la réponse de ma fille à ma lettre ... à demain !