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Description

Dieu exauce parfois différemment de ce que nous avions pensé, mais aucune requête faite avec foi ne demeure vaine.
Sur la côte suédoise, à quelques kilomètres du rivage, s’élève une petite île. Il y a de nombreuses années, une seule cabane y était bâtie ; au moment de notre récit, elle était habitée par une pauvre femme et son petit garçon, âgé alors de douze ans. On était le 24 décembre, 18 heures. La mer, gelée depuis plusieurs semaines, rendait faciles les communications entre l’île et la terre ferme. Mais Noël qui apporte à chacun, même au plus pauvre, un petit rayon d’espoir semblait avoir oublié les habitants de la petite île isolée. La pauvre mère se mourait, et son fils, à genoux près du lit, pleurait amèrement. Tout à coup, la malade se souleva péniblement et s’assit :
—Patrick, dit-elle, il me semble que si j’avais un peu de ce thé que Peterson t’avait donné, cela me ferait du bien !
—Oui, maman. Je vais t’en chercher ; peut-être qu’avec le secours de Dieu, il te rendra un peu de force.
—Merci… Notre Père t’accompagne et te garde de tout malheur ! Passe aussi à la poste, et demande s’il n’y a pas de lettre de Hjalmar. Dieu veuille le ramener !
Hjalmar était le fils aîné de la veuve. Quatre ans auparavant, il avait été entraîné par des mauvais sujets à quitter la maison paternelle et jamais, depuis, il n’avait donné de ses nouvelles ! Mais la mère malade ne cessait d’attendre et de demander à Dieu le retour de ce fils prodigue. Patrick prit son bonnet, attacha ses patins et, après avoir embrassé sa mère, il sortit de la maison.
La nuit était noire et le vent du nord soufflait avec violence ; mais cela n’effraya pas le jeune garçon. N’avait-il pas fait plusieurs fois cette course par un temps aussi sombre ? N’y allait-il pas de la vie de sa mère ? Et Dieu ne le guiderait-il pas ? Il le Lui demanda avec insistance, puis se mit à patiner vigoureusement vers l’ouest.
Après avoir patiné environ une demi-heure, il commença à chercher de tous les côtés les lumières du village où demeurait Peterson, mais aussi loin qu’il pouvait voir, il n’apercevait que la nuit. De nouveau, il éleva son âme à Dieu et se remit à patiner avec plus de confiance.
Au bout d’une autre demi-heure qui parut bien longue à Patrick, il remarqua enfin une lumière partant d’une petite maison. Prenant encore quelques élans, il aborda à sa grande surprise une petite île. Quand il ouvrit la porte de la maisonnette, il aperçut une dizaine d’hommes autour de la table, en train de boire.
—Pardon, dit-il, où est Bannersby ?
—A un mille environ de ce côté (un mille suédois égale 10 kilomètres), répondit un homme, en étendant le bras dans la direction d’où arrivait Patrick.
Celui-ci comprit qu’il s’était avancé vers le nord, s’éloignant ainsi au lieu de se rapprocher de son but, et il éclata en sanglots. — Qu’as-tu ? Lui demandèrent en même temps plusieurs hommes.
—Je me suis perdu ! Mon Dieu ! Que vais-je devenir ?
Et il sanglotait toujours plus fort.
— Où demeures-tu ? Qui est ta mère ?
—Nous demeurons dans une petite île vis-à-vis de Bannersby, et je devais aller chercher des remèdes pour maman qui est mourante.
Quelques-uns des hommes paraissaient émus et ils cherchaient un moyen de l’aider.
— Ecoute, dit l’un d’eux ; nous ne sommes ici que jusqu’à demain soir ; nous retournerons alors sur notre bateau. Reste avec nous cette nuit et demain nous t’accompagnerons.
—Non, non, répondit Patrick, je veux retourner immédiatement. Que deviendrait ma mère si je ne rentrais pas ce soir ? Ô mon Dieu ! Aie pitié de moi ! ...