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Description

Le 17 avril 1521, à 4 heures du soir, Luther dans sa robe de moine fut conduit au palais épiscopal de Worms, devant l'empereur Charles-Quint, les princes allemands, les évêques et les grands seigneurs. Lui montrant des livres posés sur un banc, Jean Eck, l'official (juge ecclésiastique) de l'évêque de Worms, lui dit : « Martin Luther, l'Empereur et l'Empire t'ont appelé ici pour que tu déclares si ces livres sont de toi, et si tu veux les rétracter ou t'y tenir. » Luther déclara d'une voix faible et tremblante qu'il avait écrit les livres. Pour le reste, comme il s'agissait du salut de l'âme et de la Parole de Dieu, il ne pouvait répondre sans un temps de réflexion. Il demanda donc un délai. On délibéra, et l'assemblée le renvoya au lendemain à la même heure.
Le 18, la foule des assistants fut si épaisse qu'il fallut chercher dans le palais, une salle plus vaste. Tandis que Luther attendait dans le vestibule, un capitaine lui frappa sur l'épaule : « petit moine, petit moine, tu vas braver un danger tel que je n'en ai jamais connu de pareil dans les combats. Si tu as raison et si ta cause est juste, va au nom de Dieu, et aie confiance. Dieu ne t'abandonnera pas. »
Luther entra dans la salle alors qu’il faisait déjà sombre, à la lumière des flambeaux. Il était maintenant libéré de toute frayeur. Il s'excusa d'abord, sur ce qu'ayant vécu dans un recoin de moines, son langage ne connaissait pas les usages des cours. Il distingua ensuite entre ses livres : les uns d'une piété que tous avaient louée ; les autres, sans doute trop rudes, écrits contre des personnes ( mais il n'avait défendu que la doctrine de Jésus-Christ ) ; les autres enfin, contre la papauté et les papistes qui, par leurs doctrines et leur vie, désolaient le monde, ruinant les corps et les âmes. « Mais je suis un homme, et non pas Dieu » ajouta-t-il. Il avait pu se tromper, et il conjura les assistants qu'on voulût bien le réfuter par les écrits des prophètes et des apôtres « Dès que j'aurai été convaincu, je serai le premier à jeter mes livres au feu. » II avait parlé en latin. On lui demanda de répéter son discours en allemand. Il le fit, bien qu'il fût incommodé par la foule et par la chaleur.
Mais on ne voulait pas discuter. Jean Eck, d'un ton accusateur, lui reprocha la hardiesse de ses propos. Il lui expliqua qu'il ne s'agissait pas d'erreurs inventées par Luther lui-même. Les erreurs de Luther étaient les doctrines des anciens hérétiques, des Vaudois, de Wiclef, de Jean Huss, doctrines condamnées par les conciles et les papes. Il fallait les rétracter sans discours. Luther n'hésita plus : « Puisque donc Votre Majesté impériale me demande une réponse simple, je donnerai une réponse simple sans cornes ni dents. A moins que je ne sois convaincu par le témoignage de l'Ecriture ou par des raisons claires (car je ne crois ni aux papes, ni aux conciles, qui ont manifestement erré et se sont contredits), je reste convaincu par les Saintes Ecritures que j'ai citées, et ma conscience est liée par la Parole de Dieu. Je ne puis rien rétracter et ne veux rien rétracter, car agir contre sa conscience n'est pas sûr, et cela est dangereux. »