Vélasquez, peintre attaché à la cour du roi d'Espagne Philippe IV, regardait sa dernière œuvre à peine achevée, le portrait de l'amiral Pulido Pareja. Son atelier, où il était seul, était installé à l’Alcazar dans une pièce contiguë aux appartements royaux. Le roi entra et dit :
—Encore ici, Amiral ? Comment se fait-il que vous ne soyez pas parti ?
—L'amiral est parti, Sire. Vous êtes en train de parler à son portrait !
— Je m'y suis trompé mais on m'a dit que toute votre habileté consiste à faire des portraits qui semblent être en chair et en os.
—Vous me faites une faveur, Sire, en le croyant, car je ne connais personne qui saurait faire des portraits qui trompent le roi lui-même.
Ce trait, rapporté par le peintre Gambus, peut inspirer notre réflexion.
Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Christ, écrit l'apôtre Paul (1 Corinthiens 4 : 16).
Nous ne possédons pas de portrait physique de Jésus et ignorons quel était sa physionomie. Mais tout au moins, nous avons, par l'Évangile, son portrait moral et spirituel. Et c'est à ce portrait que nous sommes appelés à ressembler. Le Saint-Esprit voudrait faire de nous des copies conformes de notre Maître, mais nous sommes une toile rugueuse, bosselée, parfois tellement tailladée que nous ne lui donnons pas la possibilité de reproduire réellement son image en nous. Qu'au moins on puisse dire de nous ce que disaient des premiers chrétiens dans le livre des Actes des Apôtres :
On les reconnaissait pour avoir été avec Jésus, Actes 4 : 13.