Chaque jour pour me rendre au travail, il me fallait traverser un pont. Cela dura bien des mois. Pour rendre cette traversée moins ennuyeuse, j'avais choisi de bien regarder les gens que je croisais. Souvent les mêmes, chaque jour ! Et certains sont restés gravés dans mon souvenir.
Une jeune femme métisse, semblant très intelligente, avec le menton pointu des gens volontaires, paraissait souvent préoccupée. Il me semblait vraiment que j'avais besoin de prier pour elle, pour sa famille. A force de prier pour elle, elle m'était devenue chère. Et puis un jour, elle a disparu. Je n'ai jamais su ni où, ni pourquoi.
Je croisais aussi un vieil homme portant une lourde croix, avec une inscription sur son tee-shirt : « Jésus peut vous sauver de l'enfer » Je priais aussi pour lui, sa lourde croix m'impressionnait. » Pourtant quelque chose me gênait en lui. Etait-ce vraiment la meilleure façon d’évangéliser ?
Mais celui dont je me souviens le plus c'est le clochard avec son chien. Un vrai clochard, en haillons, pas lavé, pas rasé, portant des sacs plastiques remplis de vieilles guenilles, du moins c'est qu'il me semblait. Un clochard classique, quoi ! Mais quand même pas si classique, sinon je l'aurais oublié ! Il faisait corps avec son chien. Et cela rendait le spectacle plus attachant. Un vieux chien qui tenait du boxer, visiblement un bon chien, affectueux, fidèle et qui ressemblait beaucoup à son maître. Il portait un sac formé de deux poches reposant sur ses reins. Deux poches bien remplies des affaires de son maître. Et ils marchaient toujours l'un à côté de l'autre. Pour moi, ils symbolisaient la véritable amitié. Souvent je me suis dit à cette époque : « Comme j'aimerais avoir quelqu'un à mes côtés pour porter mes fardeaux... »
Oui, c'est vraiment ce clochard et son chien dont je me souviens le mieux. C'est le rêve de chacun et je dirais même, c'est le désir ardent du cœur de chacun d'avoir un ami à ses côtés, avec un amour absolu, toujours présent dans les bons et les mauvais jours, sans jugement, et toujours prêt à porter nos fardeaux.
Et en fait je me suis rendu compte par la suite que quelques fois, j'avais cet ami avec moi et parfois, c'est moi qui étais l'ami de quelqu'un. La Bible nous dit : « Portez les fardeaux les uns des autres ».
Quel privilège ! Secourir et être secourus. Ma vie n'est pas terminée et jusqu'à la fin, je veux me souvenir de ce que j'ai appris à travers ces trois personnes, sur le pont.