Après avoir considéré l’art comme un double de la réalité et comme une projection du monde humain, les artistes prêtent aujourd’hui au vivant une attention recentrée, intensifiée par la crise climatique. Celle-ci nous a révélé les failles de notre sensibilité au vivant, longtemps parent pauvre de notre univers mental. Avec la prise en compte de l’Anthropocène – ce processus de dégradation des écosystèmes, de l’extinction des espèces animales et des pandémies – documenté depuis le début du 21ème siècle par les sciences de la nature et par les sciences sociales, la théorie de l’art se déplace, à la mesure des oeuvres artistiques elles-mêmes. « L’artiste de ce début du 21ème siècle est le contemporain de l’Anthropocène : cela ne l’oblige en rien, mais cela le détermine », observe ainsi le théoricien Nicolas Bourriaud. La question du vivant traverse ainsi dans ses grandes largeurs les réflexions esthétiques. Au point de nourrir un nouveau tournant dans le champ des études visuelles.
Estelle Zhong Mengual est docteure en histoire de l’art. Elle publie Apprendre à voir, le point de vue du vivant (Actes Sud). Elle est l’autrice de L’art en commun (Presse du réel, 2019) et d’Esthétique de la rencontre (Seuil, 2018)
Nicolas Bourriaud est théoricien et critique d’art. Il publie Inclusions, esthétique du captitalocène (Puf, Perspectives critiques). Il est entre autres l’auteur de L’Exforme (2017), Radicant, pour une esthétique de la globalisation (Denoël, 2009), Esthétique relationnelle (Les presses du réel, 1998), Formes de vie (Denoël, 1999)…