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Bonjour c'est Aliénor. Bienvenue dans CCAL. Aujourd'hui on parle galette et fève. Pour ça, remontons à l'antiquité romaine.

 

Je vais reparler des Saturnales, cette fête romaine ayant donné quelques traditions de Noël, et de la période qui suit. Selon Tacite, il est d'usage de tirer au sort la royauté. Pour ce faire, on partage une galette en autant de parts qu'il y a de servants dans la maison. Le Dominé, (maître de maison) envoie alors un enfant sous la table qu'on appellera "Phébé" le temps de la distribution. La coutume veut que l'enfant soit alors l'incarnation de l'oracle de Phoebus (ou Appolon selon l'influence de la culture grecque au fil des époques). L'esclave qui a la part avec la graine de fève est alors nommé roi du jour "Saturnalé Principès", et peut même donner des ordres à son maître. Le soir venu, en revanche, il retourne à son statu d'esclave. Une rumeur tenace veut qu'il soit exécuté, mais je rappelle qu'un esclave coûte à l'achat. Cette coutume avait cependant lieu à Babylone, où le roi était tiré parmi les condamnés à mort et exécuté après les fêtes.

Mais, pourquoi une fève ? Les Grecs anciens, voyageons un peu, utilisaient la graine de fève pour élire leurs magistrats. D'après leurs croyances, cette graine contiendrait l'âme des morts, et il leur arrivait d'en jeter par dessus leur épaule pour se protéger des maléfices.(Si jamais quelqu'un veut se venger de Tante Agatha pour l'héritage, gardez une fève dans vos mains, concentrez tous vos souvenirs de tantine, et jetez-la au sol par dessus votre épaule. Le Karma et des inconnus se chargeront de la réduire en charpie). La symbolique et la forme comptent également. C'est en effet le premier légume qui pousse au printemps, il est vert, bref, on reparle d'espoir. Quand à son aspect physique, il rappelle la forme d'un embryon dans une coque ce qui est signe de fertilité. Pour un aspect plus pragmatique : c'est aussi une graine assez grosse pour ne pas être avalée, mais assez petite pour ne pas être coupée lors du partage.

Le Moyen-Age voit cette coutume, comme beaucoup d'autres, être rattachée à la religion catholique, et la galette ou le gâteau selon les régions devient alors la représentation profane des cadeaux que les roi-mages ont apporté à l'enfant Jésus. On coupe une part de plus que le nombre de convives, et on la dédie à dieu ou à la vierge marie selon l'habitude du lieu ou de la famille. Part qui sera offerte au premier voyageur ou au premier pauvre qui passera le seuil.

L'épiphanie, célébrée officiellement au 6 janvier, est proche de l'époque où tout un chacun s'acquitte de ses redevance seigneuriales. À Fontainebleau, les jeunes mariés de l'année, ainsi que les habitants de certains quartiers pouvaient s'acquitter de leur impôt en offrant une galette des rois à leur seigneur. "Allô, le trésor public ? c'est pour une demande d'information..."

Cependant, l'usage d'offrir un gâteau avec une fève dedans n'était pas réservé à cette seule célébration. Il était usuel d'en offrir dans la maison d'une jeune accouchée pour les relevailles (la cérémonie qui lui permettait de revenir à sa vie sociale et religieuse) ou même quand on voulait animer un peu une soirée...

Au XIVième siècle, sous Charles V, le duc Louis 2 de Bourbon faisait chercher l'enfant de 8 ans le plus pauvre de la ville, le faisait laver et vêtir, puis, ses chevaliers allaient quêter pour l'enfant, aux parents duquel étaient remis la somme récupérée. À compter du lendemain, l'enfant était éduqué à l'école.

En 1711, le parlement de Paris interdit la galette pour cette année là, car la famine sévissait alors en France, et il fût ordonné de réserver la farine pour faire du pain.

Le boulangers offrant le gâteau ou la galette des rois à leurs clients, déclenchent en 1713 et 1717 un tollé de la part des pâtissiers. Le parlement vote alors un édit interdisant l'usage du beurre et des œufs dans les produits de boulangerie, mais il n'aura d'effet qu'à Paris.

La révolution met bien évidemment un frein à tout ça, le terme roi devenant rapidement un problème. La tradition de la galette est supprimée par un édit du 31 décembre 1972. Puis réinstaurée comme "galette de légalité" lors de la fête du bon voisinage par un décret du 24 décembre 1794.

La coutume "le roi boit!" nous amène petit à petit à la fève en porcelaine. En effet, il était d'usage dans certaines régions que la personne qui ait la fève offre une tournée. Or, certains ayant des oursins dans la bourse, mangeaient la fève, afin de s'épargner la dépense. Ruse fût trouvée de remplacer le légume par une pièce d'argent ou d'or, puis par une représentation en céramique de l'enfant Jésus dans ses langes, à partir  du XVIIIième siècle. Cette tradition eu besoin d'un peu de temps pour se généraliser, car beaucoup craignaient de se casser les dents sur cette nouvelle sorte de fève. Elle fut cependant généralisée à partir de 1870.

Nos amis provençaux, eux, placèrent une fève et un sujet. La fève désigne le roi, et le sujet, souvent un santon destiné à reproduire la crèche, indiquait la reine. Charge pour le roi, alors, de fournir le prochain gâteau.

La recette quand à elle diffère selon les régions. La traditionnelle pâte sablée fourrée à la crème d'amande se transforme dans certaines régions en pâte levée avec des levures de bières pour devenir la pâte feuilletée connue aujourd'hui.  Pour nos amis du sud qui préfèrent eux le gâteau des rois, ils cuisinent alors une couronne briochée à la fleur d'orangée décorée de fruits confits.

Alors vive le roi ou vive la reine.

Belle journée à toutes et tous à l'écoute du son unique.