Qui a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école ? Immanquablement, vous répondez Charlemagne,
même si on sait que des formes de scolarisation ont existé bien avant Charlemagne.
Qui a eu cette idée folle, un jour de maltraiter l’école ? Immanquablement, vous répondez Jean-Michel
BLANQUER, même si on sait que des attaques contre le système scolaire ont existé bien avant M.
BLANQUER. Et continueront d’exister bien après-lui.
Mais il faut avouer qu’en la matière, notre ancien Ministre de l’Éducation Nationale a fait fort, et laissera
des traces dans l’histoire de l’institution. Le bac, le lycée, l’accès à l’université, M. BLANQUER a voulu
tout révolutionner. Et tant pis si le système est plus inégalitaire, si les professeurs sont en colère, les
élèves stressés et leurs parents complètement paumés !
Tout cela se fait bien sûr au nom de plus d’efficacité, de plus d’équité, de plus d’égalité... Et il est vrai
qu’avant M. BLANQUER, le système scolaire était déjà inégalitaire. Mais en matière de réduction des
inégalités, les ultralibéraux ont un truc imparable : on nivelle par le bas. La solution est radicale : tout le
monde à poil pour plus de justice sociale. Tous plumés, pas de jaloux. Enfin, pas vraiment tous : les plus
fortunés pourront toujours s’inscrire dans l’enseignement privé, un secteur auquel M. BLANQUER a
beaucoup donné. Les attaques contre le service public auront notamment été bénéfiques à
l’enseignement catholique.
Je parle d’attaques, mais dans les Ministère, on ne dit parle pas d’attaques mais de réformes. Quand on
s’en prend à un service public, on ne dit pas qu’on le démantèle, ni qu’on le démolit, encore moins qu’on
le privatise, non, on dit qu’on le réforme. Un peu comme ces vaches trop vieilles pour donner beaucoup
de lait et qu’on envoie à l’abattoir, eh bien on appelle ça des vaches de réforme. C’est un peu ce qui
arrive à notre école : elle n’est plus rentable, alors on l’envoie à la casse.
Et puisqu’on parle d’élevage, sachez que l’enseignement agricole n’est pas épargné par ces
bouleversements. Pas plus que le lycée professionnel, dont une réforme – oui oui, encore une – est en
cours de préparation. Si les détails de cette réforme ne sont pas encore connus, les objectifs, pour leur
part, sont assez clairs : il s’agit d’augmenter les temps de stage, de développer les compétences
techniques au détriment des savoirs fondamentaux, de glisser vers un système d’apprentissage pour
mieux répondre aux besoins des entreprises.
Ce qui amène à ces questions : à quoi sert l’école ? A apporter des savoir-faire, ou des connaissances ?
L’orientation de nos enfants doit-elle répondre à leurs aspirations, ou aux besoins de l’économie ? Et
pour finir, l’école a-t-elle pour mission de former des citoyens, ou de la main-d’œuvre à bon marché ?
Pour répondre à ces questions, qui sont loin d’être évidentes, nous avons aujourd’hui quatre invitées
autour de la table : Daphnée PAUPERT et Laure GARNIER, respectivement enseignante et Conseillère
Principale d’Éducation en lycée agricole ; Christophe MORLAT, professeur en lycée professionnel et
secrétaire académique du SNETAA-FO ; et Fabien CLAVEAU, professeur en collège et membre du Syndicat
National de l’Enseignement Secondaire (SNES-FSU).