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Description

Poème de Rainer Maria RILKE dit par Henri Etienne DAYSSOL Pays arrêté à mi-chemin entre la terre et les cieux, aux voix d'or et d'airain, doux et dur, jeune et vieux, comme une offrande levée vers d'accueillantes mains : beau pays achevé, chaud comme le pain !... Contrée ancienne, aux tours qui insistent tant que les carillons se souviennent, aux regards qui, sans être tristes, tristement montrent leurs ombres anciennes. Vignes où tant de forces s'épuisent lorsqu'un soleil terrible les dore... Et, au loin, ces espaces qui luisent comme des avenirs qu'on ignore. ... Pays silencieux dont les prophètes se taisent, pays qui prépare son vin ; où les collines sentent encore la Génèse et ne craignent pas la fin ! Pays, trop fier pour désirer ce qui transforme, qui, obéissant à l'été,  semble, autant que le noyer et que l'orme, heureux de se répéter ; Pays dont les eaux sont presque les seules nouvelles, toutes ces eaux qui se donnent, mettant partout la clarté de leurs voyelles entre tes dures consonnes ! ... Vois-tu, là-haut, ces alpages des anges entre les sombres sapins ? Presque célestes,  à la lumière étrange,  ils semblent plus que loin. Mais dans la claire vallée et jusques aux crêtes, quel trésor aérien ! Tout ce qui flotte dans l'air et qui s' y reflète entrera dans ton vin. Ô bonheur de l'été : le carillon tinte puisque dimanche est en vue ; et la chaleur qui travaille sent l'absinthe autour de la vigne crépue. Même à la forte torpeur les ondes alertes courent le long du chemin. Dans cette franche contrée, aux forces ouvertes, comme le dimanche est certain ! C'est presque l'invisible qui luit au-dessus de la pente ailée ; il reste un peu d'une claire nuit à ce jour en argent mêlée.  Vois, la lumière ne pèse point sur ces obéissants contours, et, là-bas,  ces hameaux, d'être loin, quelqu'un les console toujours. - Rainer Maria RILKE -