Voilà donc la bande à Bashung dans l’hôtel le moins cher de Londres. Un coin pourri mais rien à voir avec aujourd’hui car depuis la fin des années 70, la situation dans les quartiers déshérités est quasi insurrectionnelle. En cause, un mouvement skinhead qui a viré sa cuti, car autant les skins qui font du ska prônent le vivre ensemble avec toutes les communautés immigrées, autant les skins fascistes cassent tout ce qui est d’origine non british. Autant vous dire que l’accent français de Bashung est particulièrement dangereux à partir d’une certaine heure car à défaut de Pakistanais ou Indiens, les skins se rabattent sur des cuisses de grenouilles pour avoir leur quota de baston quotidienne. Et ce soir particulièrement, les bobbies ont fort à faire et ne peuvent pas être partout en même temps. Le patron d’un restaurant regarde par la fenêtre passer des bandes de skins qui patrouillent comme des chemises brunes. “Restez ici, c’est dangereux de sortir maintenant.” “Oui mais on doit retourner en studio.” “Je vous dirai quand vous pourrez ressortir, à moins que vous ayez envie de finir la nuit en petits morceaux.”
Le croirez-vous, c’est à cela qu’on doit le plus grand classique de Bashung. Car autant la majorité des artistes arrivent en studio avec des chansons écrites, répétées et parfois enregistrées sous forme de démos, autant Bashung et son compère parolier Boris Bergman, n’ont rien de véritablement fini. Et justement, Boris ne les a pas suivis au restau ce soir, il est resté seul au studio pour tenter de terminer une chanson sur laquelle il bloque. OK, la location n’est pas chère mais quand même, je vous l’ai dit, le budget est hyper serré et à présent, il faut conclure. Et justement, sa dernière chanson, Attention Fragile ! ne colle plus car juste avant partir, Boris a appris que Bernard Lavilliers venait de déposer le même titre à la société des auteurs. Si Alain et le groupe l’avaient rejoint plus tôt, probablement Boris aurait été distrait et n’aurait pas trouvé ces mots qui sonnent si bien dans la bouche de Bashung et qu’on a tous adoptés …